Inflation des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, augmentation de la pauvreté, fin du « quoi qu’il en coûte », augmentation des taux d’intérêt… Notre économie est mise à rude épreuve. Mais quel rôle joue le secteur financier dans la crise que nous traversons actuellement ? En est-il la cause, et surtout peut-il faire partie de la solution ?
Une crise géopolitique avant d’être une crise financière
Certaines crises économiques sont avant tout des crises financières, étroitement liées à des dysfonctionnements dans la finance internationale, comme ce fut le cas en 2008 à la suite de la crise des subprimes aux Etats-Unis. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.
Les difficultés que nous rencontrons actuellement sont le fruit de nombreux facteurs. Le contexte géopolitique des cinq dernières années a notamment énormément affaibli la croissance mondiale et la fluidité des échanges.
L’épidémie de Covid-19, tout d’abord, a ralenti les économies du monde entier et les échanges commerciaux, au niveau mondial, mais aussi à l’échelle nationale. Certains secteurs comme les transports aériens, la restauration, l’immobilier, ou encore le secteur pétrolier ont alors subi de grosses perturbations.
Le Brexit a obligé les pays européens à repenser leurs échanges avec le Royaume-Uni, qui est rappelons-le le cinquième partenaire commercial de la France.
Viennent s’ajouter à cela les difficultés d’approvisionnement en semi-conducteurs taïwanais, ou en terres rares détenues en majorité par la Chine. Une situation qui s’est aggravée avec la guerre commerciale débutée par Donald Trump entre les USA et la Chine. Cette guerre commerciale commence d’ailleurs à toucher l’Europe, notamment sur la question des véhicules électriques pour lesquels l’UE tente de protéger son marché face à l’offensive chinoise.
Est enfin venu s’immiscer dans ce contexte l’invasion de l’Ukraine et les sanctions prononcées contre la Russie, qui ont totalement déstabilisé le marché mondial du pétrole, du gaz, mais aussi des céréales.
Cette crise n’est donc pas financière de par ses causes, mais elle affecte le commerce et la production de biens hautement financiarisés, tels que les produits céréaliers, l’immobilier, le gaz ou le pétrole.
La finance a son rôle à jouer dans la crise de l’immobilier
Ces dernières années, le secteur de l’immobilier a été bouleversé, aussi bien sur le marché de l’ancien que sur les nouvelles constructions. L’épidémie de Covid-19 a constitué un premier électrochoc avec un gel des ventes dans un premier temps, suivi d’un exode urbain, qui est resté contenu mais a eu un effet sur les prix des biens, à la baisse dans la capitale et à la hausse dans les villes moyennes.
Cette perturbation est venue accentuer une crise du secteur immobilier déjà latente, liée au nombre trop faible de constructions par rapport à la demande, aux nouvelles normes écologiques (et notamment à la sortie du marché de la location des passoires thermiques), mais aussi à une évolution des compositions des ménages (notamment l’explosion des familles monoparentales).
Or le logement constitue 31% des dépenses des ménages en moyenne. Un chiffre qui a augmenté de 20 % entre 2005 et 2015 selon l’OCDE. Le prix de l’immobilier dans l’Hexagone a lui pris 88 % hors inflation.
Certes la problématique du logement n’est pas uniquement financière. Elle est avant tout politique et démographique. Mais le monde de la finance a son rôle à jouer, en soutenant les projets de construction des promoteurs, mais aussi en facilitant l’accès au crédit pour les ménages. Depuis la hausse des taux d’intérêts, nombre d’entre eux abandonnent ou reportent leurs projets d’achat et leur déménagement, grippant ainsi la mobilité immobilière y compris sur le marché de la location. Même les collectivités locales sont victimes de cette tendance, étant en grande partie bénéficiaires des frais de notaires dont les montants sont en chute libre.
Un jeu d’équilibriste pour les institutions financières et bancaires qui doivent à la fois faciliter l’accès au crédit et veiller à la solvabilité de leurs clients. Gardons à l’esprit que la crise de 2008 a été avant tout déclenchée par une crise des crédits immobiliers aux Etats-Unis.
L’épargne des Français, un formidable outil de relance
Paradoxalement, les Français n’ont jamais autant épargné que depuis le Covid. Non seulement par impossibilité de consommer à cause des confinements et autres mesures sanitaires, mais également par peur de l’avenir.
Résultat : l’épargne réglementée des ménages (Livrets A, LDDS, LEP, PEL, etc) représente un niveau record de 902 milliards d’euros selon la Fédération bancaire française.
Cette épargne attise la convoitise des banques, qui créent de nouvelles offres de produits financiers, mais elle est également convoitée par les pouvoirs publics, qui y voient un formidable levier d’investissement à long terme.
Le ministère de la Transition énergétique n’exclut pas par exemple un recours aux 375 milliards d’euros stockés dans les livrets A français pour financer le renouvellement et la montée en puissance de notre parc nucléaire, un secteur clé pour sortir de la crise énergétique qui commence à pointer son nez.
Car nous sommes soumis à une double pression, pris en étau entre les difficultés financières et la crise climatique. Une situation qui a souvent été résumée durant la crise des gilets jaunes par l’expression « fin du mois contre fin du monde ».
Si le retour à plus de sobriété est essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques, l’innovation doit également être au cœur de cette transition. Pour développer des énergies, modes de transport ou habitats plus propres, les entreprises ont besoin d’investir dans la recherche et le développement. Tout comme de petites entreprises de la Biotech nous ont été d’une aide capitale pour lutter contre le Covid19, des startups qui n’ont pas encore vu le jour seront peut-être la clé de voûte de notre transition écologique.
Photos : corporatefinanceinstitute.com – binus.ac.id