Cette rentrée 2015 est mise sous le signe de la réforme du droit du travail. C’est l’un des chantiers les plus périlleux d’un gouvernement français qui souhaite adapter la situation juridique à la réalité des entreprises.
Dans son discours de rentrée du 7 septembre 2015, François Hollande a confirmé la volonté du gouvernement de réformer le droit du travail. Selon lui, les salaires, les conditions et le temps de travail doivent pouvoir être négociées plus librement entre les salariés et les employeurs. Cela pour répondre à la réalité de chaque branche d’entreprise.
Afin de s’assurer d’une réforme adéquate et admise de tous, le gouvernement envisage de la réaliser en 2 temps. D’abord faire voter une loi qui donnera plus de poids au rôle de la négociation dans le travail. Puis, d’ici quatre ans, le code du travail devrait être révisé entièrement afin de favoriser la négociation en entreprise.
Ne pas tout remettre en cause
Partant du constat que le droit du travail est devenu trop complexe, voire parfois illisible, et qu’il répond de moins en moins aux besoins des salariés comme des employeurs, Manuel Valls a décidé de donner plus de place aux accords collectifs.
Dès le mois d’avril 2015, ce dernier avait chargé Jean-Denis Combrexelle de lui remettre un rapport pour décider de la direction à prendre. À 62 ans, le haut fonctionnaire est connu pour être un « démineur social ». En 2013, il avait déjà été commissionné par le gouvernement pour réaliser un rapport sur la représentativité du patronat et, un an plus tard, il avait fait partie du trio chargé de résoudre le conflit avec les intermittents du spectacle.
Dans son rapport rendu le 9 septembre au gouvernement, il prévoit notamment de réduire la place de la loi et de favoriser les accords d’entreprise afin d’élargir la place de l’accord collectif dans le droit du travail. Il y présente 44 propositions pour favoriser le dialogue social au sein de l’entreprise. Parmi elles, la refonte totale du code du travail, l’engagement de l’Etat à limiter le nombre de réformes du secteur, rendre moins attractives les indemnités de licenciement pour préserver l’emploi…
Mais ce n’est pas tout ! Jean-Denis Combrexelle va plus loin et, pour limiter le rôle de la loi, en propose de modifier directement la Constitution et d’y inclure les principes de la négociation collective dans son préambule. Selon son rapport, la loi ne serait plus réservée qu’à la négociation sur la durée du temps de travail ou à la fixation du Smic.
Droit du travail : les 4 piliers de la négociation
Certains acquis doivent le rester. Ainsi, les 35 heures, le Smic et le contrat de travail ne devraient pas être remis en cause. Le CDI et l’ensemble des taquets légaux devraient être conservés. La future réforme garantira donc «un socle commun nécessaire» de droits fondamentaux.
Le rapport Combrexelle identifie toutefois quatre piliers de la négociation collective : le temps de travail, les salaires, l’emploi et les conditions de travail. L’objectif est de permettre aux entreprises de déroger plus largement au code du travail.
En vertu des principes de la négociation collective, il faudrait qu’un accord majoritaire soit signé sur chacune de ces questions avec des syndicats représentant 50% des effectifs, contre au moins 30 % aujourd’hui. Les partenaires sociaux devraient donc voir leur participation augmenter. D’ailleurs, une première concertation entre ces derniers et le gouvernement devrait avoir lieu début octobre. Sans oublier la conférence sociale du 19 octobre qui sera axée sur trois thèmes: la COP 21, la sécurisation des parcours professionnels et le Numérique.
« J’aime l’entreprise »
Pourtant, cette réforme divise déjà les syndicats alors que le Mouvement des entreprises de France (Medef) s’en réjouit. Ce dernier estime que le rapport Combrexelle est un bon point de départ pour permettre aux entreprises de mieux développer leurs activités. En effet, Le Medef plaide pour une législation du travail plus simple, plus stable et plus sécurisée. Le patronat se reconnait donc dans les recommandations soumises au gouvernement.
Toutefois, les risques d’absence d’accord au sein d’une branche sont réels. En effet, 98% des entreprises de l’Hexagone comportent moins de 50 salariés, et 93% moins de 10. Avec un taux de syndicalisation de 4 % dans le privé, cette réalité rend impossible toute négociation, surtout sur des paramètres aussi fondamentaux que la durée du travail ou encore les conditions de licenciement.
Pour contourner le problème, les branches seraient incitées à négocier plus de normes conventionnelles, voire des accords types pour les TPE, qui n’ont ni syndicat ni temps pour négocier. Mais il faudrait pour cela faire le ménage dans ces branches. L’objectif étant de les fusionner pour aboutir à une centaine de branches actives, contre 700 aujourd’hui.
C’est pour cette raison que les syndicats se font un peu plus méfiants. Malgré les garanties déclarées du gouvernement sur la préservation des acquis, la CGT doute de l’avenir des 35 heures dans les petites entreprises. De son côté la CFDT n’est pas hostile au renforcement de la négociation collective dans la mesure où il existe des conditions pour offrir une protection plus efficace aux salariés. FO est également favorable à un accord qui permettrait de déroger à la loi s’il améliore les règles. Ce dernier hésite pourtant encore à boycotter la conférence sociale du 19 octobre, estimant qu’il s’agirait plus d’une « opération de communication » du gouvernement que d’une réelle volonté de trouver des accords.
Les syndicats ouvriers sont frileux devant le discours gouvernemental depuis le fameux « J’aime l’entreprise » de Manuel Valls, prononcé comme leitmotiv à chaque visite officielle à l’étranger pour favoriser l’investissement en France. Prônant l’entreprenariat et le libéralisme, le Premier ministre avait ainsi essuyé nombre de critiques des partenaires sociaux.
Le chômage, encore et toujours.
Selon les derniers chiffres de l’Insee, il existe près de 3 millions de chômeurs en France au 2ème trimestre de 2015. C’est un chiffre en hausse par rapport à 2014, ce qui dessert le gouvernement.
François Hollande l’a promis : il souhaite inverser la courbe du chômage avant 2017 et ne se représentera pas aux élections présidentielles si tel n’est pas le cas. La réforme du code du travail s’inscrit donc dans cette volonté plus large.
Pour certains experts du secteur du travail, réformer en pleine année électorale est un grand risque et une telle révolution ne pourra pas se faire avant 2017. L’inversion de la hiérarchie des normes prônée par le Premier ministre et le président de la République devra d’ailleurs attendre au moins une dizaine d’années avant de voir le jour, même si une loi est annoncée pour début 2016.