Après plusieurs mois d’une intense bataille juridique, la BNP Paribas aura finalement fini par se rendre à l’évidence et plaider coupable dans un procès sans précédent qui aura fait trembler le monde de la finance autant que les relations franco-américaine.
Tout peut se résumer à deux chefs d’accusations auxquels a dû répondre la banque française BNP Paribas devant les tribunaux Américains : « falsification de documents commerciaux » et « collusion ». Au bout de plusieurs mois d’une affaire judiciaire nous plongeant au cœur des institutions financières françaises et américaines, la banque a finalement plaider coupable avant d’être condamné à payer une amende de 8.9 milliards de dollars.
Ce qui est reproché à la plus grosse banque Française est le transfert de milliards de dollars au nom du Soudan et plusieurs autres pays « blacklistés » aux Etats-Unis.
Un verdict sans précédent
Le verdict est probablement un vrai soulagement pour les contribuables newyorkais alors que le département des services financiers de New York reçoit à la suite de ce verdict approximativement 2.2 milliards de dollars
Comme d’autres banques, la BNP a en effet caché le nom de clients soudanais et iraniens alors qu’elle opérait des transactions à travers ses opérations américaines et plus largement à travers le système financier américain.
Les autorités fédérales et gouvernementales ont décrit la BNP comme la septième entité à accepter le règlement d’un cas de sanction pour violation criminelle mais elle est aussi la première à plaider coupable pour violation d’embargo. Si la BNP n’était pas le seul coupable, sa faute était cependant largement bien plus étendue dans le temps, s’étirant de 2002 à 2012.
« La conspiration était connue et tolérée par les plus hautes instances de la BNP » avait alors affirmé Edward Starishevsky, assistant du procureur à Manhattan tandis que la banque plaidait coupable pour un motif de falsification de registre d’entreprise et un motif de conspiration.
Vers de meilleures pratiques ?
Dans les mois qui suivirent, d’autres banques furent sujets d’investigation. L’objectif des autorités était d’envoyer un message fort qu’aucune banque, aussi importante soit-elle, n’est à l’abri de poursuites criminelles. Certaines d’entre elles pensant qu’elles étaient au-dessus de toute poursuite, étant bien trop grosses pour être mises derrière les barreaux.
Ce changement de ton est notable puisque jusque-là seules des pénalités financières étaient appliquées dans ce genre de situations. La question qui se pose d’ores et déjà n’est pas des moindres : les Etats-Unis feront ils preuve de la même attitude face à leurs propres banques ? La portée du message lancé par les autorités américaines ne dépend en effet que de ça. Jean-Laurent Bonnafé, administrateur directeur général a communiqué par la suite qu’il regrettait la conduite qui a abouti à cette résolution.
La peine de mort à Wall Street
Dans ce contexte, la logique aurait voulu que la BNP voie sa licence suspendue, l’équivalent de la peine de mort à Wall Street. Mais la volonté des autorités américaines n’était clairement pas de tuer des institutions financières, au contraire d’encourager les bonnes pratiques. Et ce à travers divers amendes et restrictions qui ralentissent le rythme de la banque mais en aucun cas l’empêchera de fonctionner dans le futur. En plus d’une simple (et conséquente) amende, la BNP aura dû renoncer temporairement à une de ses activités clés à New York.
La BNP a également vu sa capacité à gérer des transactions en dollars suspendue, ce que l’on appelle la compensation monétaire et qui s’avère nécessaire pour traiter avec des clients internationaux. Cette mesure vise essentiellement les financements dans le domaine du pétrole et du gaz.
Cet accord passé avec la BNP empêche certaines officines du quartier général de la banque à Paris ainsi que ses antennes à Genève, Milan et Singapour, de procéder à des transactions de compensation monétaire depuis janvier 2015 et ce pour un an. Suite à ses restrictions la BNP a toutefois immédiatement fait savoir que cela n’impacterait aucun de ses clients.
La banque a également dû se séparer de 13 de ses employés, l’objectif des autorités étant d’affirmer que ce ne sont pas les banques qui se conduisent criminellement mais bien des banquiers. Georges Chodron de Courcel, l’un des directeurs généraux délégués du groupe fut le premier dans la ligne de mire des autorités judiciaires.
Les relations franco-américaines mises à mal
Afin d’esquiver de devoir plaider coupable, la banque avait initialement tenté de créer une entité subsidiaire pour plaider coupable à sa place. Lorsque les procureurs ont débouté cette idée, la BNP avait alors requis l’aide des plus hautes instances du gouvernement français. François Hollande s’était alors personnellement investi dans cette affaire financière, contactant directement le président Barack Obama à ce sujet.
Certaines entités avaient alors tenté de couvrir les transactions. A l’époque le Soudan était alors un régime génocidaire et abritait Oussama Ben Laden. Un élément de l’affaire qui n’aura fait qu’affaiblir la position de la banque française dans un procès établi aux Etats-Unis. En 2005 certains employés avaient déjà tenté de tirer la sonnette d’alarme lors d’une réunion se déroulant au mois de septembre mais le chef d’exploitation avait alors balayé ces remarques avant de supprimer les traces de cette conversation du compte rendu de réunion.
Afin de s’assurer qu’une telle affaire ne se reproduise plus, un département va être créé au cœur de la BNP Paribas pour empêcher qu’elle enfreigne à nouveau les lois américaines. Ce département au nom de « Sécurité financière groupe aux Etats-Unis » sera basée à New York. Si cette initiative n’est qu’une goutte d’eau dans la mer, il n’y a aucun doute que ce procès fera jurisprudence et que ses retombées devraient faire avancer la lutte contre la fraude financière.