La campagne #StopHateForProfit a été lancée par plusieurs associations américaines en vue d’inciter les grandes marques à stopper leurs dépenses publicitaires sur Facebook, face à la réponse insuffisante de la plateforme aux messages discriminatoires ou incitant à la haine raciale.
Des marques prestigieuses impliquées
Levi’s, Honda, The North Face, Verizon, Coca Cola, Unilever, Ben & Jerry’s, Starbucks, Microsoft… près de 1000 marques, groupes ou organisations ont décidé de répondre à l’appel de la campagne #StopHateForProfit, et la liste s’allonge chaque jour. Le mouvement a été lancé par la Ligue anti-diffamation (ADL), l’association nationale pour l’avancement des personnes de couleurs (NAACP) et d’autres groupements de défense des droits civiques.
Le but est d’inciter les entreprises à stopper toute dépense publicitaire sur les plateformes Facebook et Instagram tant que Mark Zuckerberg, qui dirige les deux, n’aura pas fait le nécessaire pour en éradiquer les messages et groupes véhiculant selon elles une idéologie de haine, raciste ou discriminatoire.
Un message de Donald Trump notamment, supprimé par Twitter mais pas par Facebook, avait mis le feu aux poudres. Ce dernier prévenait que “les pillages [liés aux protestations après l’affaire George Floyd] seront immédiatement accueillis par les balles”. Le mouvement prône entre autres des recrutements de modérateurs experts, des remboursements pour les publicités ayant côtoyé du contenu retiré, des audits, ou le retrait de groupes traitant de suprématie blanche, d’antisémitisme, d’homophobie etc.
La politique de Facebook sur le fil du rasoir
Et cela n’est pas la première controverse que doit affronter Facebook. L’affaire Cambridge Analytica, la protection insuffisante des données personnelles, la propagande russe lors des élections présidentielles de 2016, avaient déjà poussé la firme au pouce bleu à prendre des mesures afin de permettre à ses utilisateurs de mieux appréhender le contenu et le fonctionnement de la plateforme. Ainsi la plateforme a mis en place un nouveau règlement interdisant les interférences avec les élections, une campagne d’informations, un signalement des contenus problématiques, une “cour suprême” internationale indépendante pour trancher les cas épineux…
Cependant, le réseau social se refuse à supprimer purement et simplement la grande majorité du contenu demeurant dans la légalité, aussi controversé soit-il. « La responsabilité ne fonctionne que si nous pouvons voir ce que disent ceux qui cherchent à obtenir nos votes, même si nous n’aimons vraiment pas ce qu’ils disent », a ainsi argué Mark Zuckerberg dans une tribune. Une position qui ne satisfait aucunement les partisans du boycott.
La situation du média est donc périlleuse car dans le même temps, trop de restrictions de sa part entraîneraient certainement une levée de bouclier symétrique des défenseurs d’une liberté d’expression absolue à l’américaine. Le tout faisant de Facebook le perdant quelles que soit les solutions proposées.
Une pratique retentissante mais pas forcément représentative
Le côté spectaculaire et courageusement pourfendeur de l’action ne doit cependant pas faire oublier certaines réalités. Les centaines d’entreprises soutenant la campagne ne représentent tout d’abord qu’une infime minorité des huit millions d’annonceurs achetant de l’espace publicitaire sur la plateforme. La plupart sont des PME pour qui Facebook constitue le principal, voire l’unique moyen de communication sur leurs marchés de proximité.
Il est également probable que certaines des grosses compagnies citées aient trouvé là un artifice pour faire passer des restrictions de budget dues à la crise actuelle pour une prise de position payante pour leur image. Il convient en outre de se demander quel crédit donner aux positions sociétales et idéologiques de marques commerciales, dont la finalité première et incontournable consiste à être rentable et à conquérir des parts de marché.
Est-il souhaitable, enfin, de donner à celles-ci un champ supplémentaire leur permettant de faire taire purement et simplement des acteurs de la vie civile quels qu’ils soient?
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