“Et dix qui nous font cent!”, “Attention ça repousse pas”… Depuis l’antiquité, le tintement joyeux de la pièce métallique, plus récemment le froissement sensuel du billet de banque, rythment de leurs sons envoûtants les adages populaires égrenés par le commerçant guilleret. Le froid bip bip de la transaction électronique et le triste crissement de l’impression du ticket de carte bleue sont-ils en passe de reléguer au rang de souvenir le cliquetis de nos sonnantes et trébuchantes monnaies?
Un recul déjà très amorcé dans certains pays
C’est vers le chèque et la carte bleue que les regards se tournent en premier lorsque l’on remonte dans le temps pour trouver des substituts à l’argent liquide. Ils étaient au départ destinés aux paiements de grosses sommes, le tout-venant quotidien de nos paiements restant l’apanage de la menue monnaie. Mais pour diverses raisons, le paiement en cash tend à se raréfier et les transactions dématérialisées interviennent pour des achats de plus en plus anodins.
L’exemple de la Suède, particulièrement en avance sur la question, est probant: alors que 40 % des achats s’y réglaient encore en cash en 2010, ce pourcentage était déjà tombé à 15 % en 2016 et l’on voit aujourd’hui de plus en plus de magasins et restaurants refusant purement et simplement tout règlement en espèces.
L’Internet mobile, catalyseur de la dématérialisation
Plusieurs facteurs semblent rendre cette tendance inexorable. Tout d’abord, l’argent liquide est coûteux. Il coûte à l’Etat qui doit réimprimer régulièrement pour remplacer les billets usagés, par des nouveaux équipés de systèmes de sécurité de plus en plus compliqués pour éviter les falsifications. L’impression de fausse monnaie est, elle aussi, un poste de coût et de pertes importants pour les Etats. Le liquide coûte également aux commerçants en matière de micro comptabilité et de gestion physique de la monnaie. Le passage à la dématérialisation peut donc générer des économies substantielles.
La praticité pour le consommateur en explique également le succès. Le développement de l’Internet mobile qui permet d’être relié à un moyen de paiement en ligne n’importe où via son smartphone, rend cette dématérialisation possible, mais présente aussi l’intérêt pour les entreprises d’être un formidable moyen de collecter des données sur les habitudes et comportements d’achat de leurs clients, ce qui constitue une véritable mine d’or.
Un bel exemple de collaboration public – privé
Enfin, la disparition du paiement en liquide est certainement le plus sûr moyen pour les Etats de lutter contre le “black” et de contrôler sans faille toute transaction réalisée sur son territoire. Sur ce point, une coopération public – privé est déjà largement enclenchée. Il faut harmoniser les systèmes de traitements afin que l’information circule efficacement entre les Google Pay, Paypal, Orange Cash etc, les banques et les services fiscaux.
L’évolution de nos paiements est au final remarquablement révélatrice d’une grande tendance du monde moderne, au sein duquel le comportement de chaque individu est scruté, analysé et consigné … dans son plus grand intérêt bien sûr.