Il n’y a rien de plus subjectif et hasardeux que l’art (surtout contemporain) en termes de spéculation. Spéculer sur le prix de l’immobilier, de matières premières ou la valorisation d’une entreprise, c’est miser entre autre sur un besoin futur (se loger, s’alimenter ou fabriquer des produits manufacturés par exemple). Certes le marché est parfois déconnecté de la réalité, mais les risques peuvent être mesurés. Spéculer sur la valeur d’une artiste en revanche, c’est tout miser sur sa cote, c’est à dire sur le désir qu’auront dans quelques années les collectionneurs de posséder ses œuvres.
Un marché en pleine croissance
L’art est plus que jamais une valeur refuge et son commerce au niveau mondial va en grandissant (+17% pour le premier trimestre 2014). Fiscalement parlant et contrairement à une idée reçue, il n’est pas plus intéressant d’investir dans des artistes décédés. La valeur des œuvres d’art que vous possédez n’est pas intégré dans le calcul de l’impôt sur la fortune, et ce que l’artiste soit vivant ou non. Mais investir dans l’art peut être intéressant pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés dans le cadre du mécénat culturel.
Si le prix des grandes œuvres explose et que leur rendement annuel peut atteindre les 15%, c’est que la demande augmente pour ce type de pièces et que l’offre se fait mathématiquement insuffisante. Cela ne signifie donc pas que l’art en général soit devenu plus rentable, mais simplement que l’écart de valorisation entre les artistes très bien cotés et ceux qui ne le sont pas se creuse. L’objectif est donc de dénicher des artistes capables de franchir ce fossé toujours plus grand.
Sur quel support investir ?
Mobilier, peinture, sculpture, gravure, photographie, il n’y a pas de support de prédilection pour faire de bonnes affaires. Notons toutefois qu’autrefois boudée des collectionneurs, la photographie semble de plus en plus plébiscitée. L’indice global d’ArtPrice a augmenté de 71% pour ce support depuis 1998.
Concernant le style, c’est pareil. Si l’art contemporain est imprévisible et peut réserver de bonnes (ou de mauvaises) surprises, il n’est pas le seul. Les pièces de mobilier Louis-Philipe ou Napoléon III sont par exemple en constante augmentation.
Attention toutefois aux objets dérivés qui n’ont aucune valeur. Ils peuvent certes avoir été conçus par des artistes cotés ou en voie de l’être, mais leur cours n’est pas du tout liée à cette cote. Ainsi, n’espérez pas valoriser votre Free Box au gré de la cote de Starck.
Visitez les galeries
Même si le but final des galeristes est de vendre, ils font souvent ce métier par passion et ont une grande connaissance du marché de l’art. Evitez Christie’s ou les grandes galeries des Champs Elysées et préférez de petits galeristes misant sur des artistes moins connus et qui aimeraient bien se faire une réputation en dénichant le prochain Picasso.
Méfiez-vous également des artistes à la mode. D’abord parce que vous ne serez pas la seule personne à spéculer dessus, et que donc leurs cotes seront sûrement surévaluées. Ensuite parce que toute mode est éphémère par définition et que le prix de votre œuvre risquera de chuter aussi vite qu’elle a grimpé.
Visez l’international
Le talent ne fait malheureusement pas tout dans la réussite d’un artiste. Jeff Koons nous l’a prouvé, un artiste qui vend c’est un artiste qui sait se vendre lui même. Le Monde regorge d’ailleurs d’artistes très talentueux qui ne seront jamais cotés. Il ne sont sûrement pas à bouder, mais ne représenteront pas un investissement lucratif.
Et pour que la cote d’un artiste décolle, l’idéal est qu’il se développe sur la scène internationale. Au delà des œuvres, intéressez vous aussi à l’artiste. A-t-il les dents longues ? A-t-il prévu d’exposer à l’étranger ou est il déjà reconnu dans un autre pays ?
Intéressez vous également aux marchés d’autres pays. Le mobilier art nouveau (fin XIXème – début du XXème siècle) a par exemple connu ces dernières années un franc succès auprès du public japonais. Contrairement à l’immobilier, les œuvres d’art peuvent être transportées et exportées.
Achetez ce que vous aimez
Pour une prise de risque efficace, il est préférable de miser sur des artistes qui innovent soit d’un point de vue technique, soit dans le format ou le concept qu’ils proposent, soit dans les thématiques abordées. Rares sont les artistes qui percent sans sortir des sentiers battus.
Même si certains galeristes déconseillent l’achat « coup de cœur » au profit d’un achat raisonné, il est toujours plus agréable et rationnel d’être le mécène d’un artiste que vous admirez. Vous offrir à un prix abordable une toile qui vous touche, c’est engager une relation avec l’artiste en plus d’égayer votre intérieur ou votre bureau. Car l’art, à l’inverse d’une assurance vie, n’a pas à priori qu’un rôle financier. Il doit avant tout rester un plaisir, surtout si son rendement est hasardeux.
Si vous voulez réellement prendre des risques, soyez le premier, misez avant tout sur votre instinct. Si vous misez sur l’instinct d’un autre, c’est qu’il est déjà trop tard.