L’Union européenne a enfin adopté des mesures facilitant l’instauration d’un marché des capitaux. L’objectif poursuivi est d’inciter les capitaux à demeurer dans l’espace économique européen afin de maintenir assez de financements pour aider les entreprises à se relever de la crise.
Enfin un véritable marché des capitaux en Europe ? C’est en tout cas ce qu’espère la Commission Européenne, qui a favorisé ces derniers mois la création d’un marché des capitaux dans l’ensemble de l’Union Européenne. Concrètement, de quoi s’agit-il ? Pour les non-initiés, il convient de rappeler que ce que l’on appelle « marché des capitaux » est tout simplement le point de rencontre entre ceux qui sont en excédent de capitaux et ceux qui sont en besoin de financement. Ces agents économiques se retrouvent au sein du marché financier, du marché monétaire et du marché obligataire.
L’Europe a décelé depuis longtemps l’une de ses faiblesses : l’évasion de nombreux capitaux au-delà de ses frontières monétaires, provoquant ainsi un manque de financement interne. Dès 2014, Jean-Claude Juncker, alors président de la Commission Européenne, envisage la création de l’Union des Marchés de Capitaux (UMC). Il vise dans un premier temps la date de 2019 pour mettre en place de nouvelles réglementations. Mais avec le choc du Brexit, le contexte évolue défavorablement et il faudra finalement attendre trois années de plus pour voir apparaître des mesures concrètes. Après avoir dévoilé le plan d’action pour l’union des marchés de capitaux en 2020, l’Union européenne a adopté son paquet « Union des marchés des capitaux » un an plus tard.
Protéger l’euro
Concrètement, l’UE a voté la mise en place de mesures qui vont offrir la possibilité aux Européens (particuliers comme professionnels) de lever plus facilement des capitaux au sein du territoire européen. Le but est de privilégier une entente continentale pour conserver l’ensemble des capitaux sur le même territoire : en clair, que l’UMC serve de nouvelle frontière financière pour absorber les échanges et limiter les fuites.
Ceci poursuit un but simple : le financement des entreprises reposant sur la dette, s’il n’y a plus assez de capitaux disponibles, le financement devient plus difficile et cela nuit à la croissance. A terme, cela fragilise la situation européenne et peut la plonger dans une crise financière. De même, cette évasion des capitaux peut nuire à la monnaie unique, l’euro. L’Europe a besoin d’un marché monétaire fort et d’un marché financier fort. Et donc pour cela, de conserver ses capitaux.
Quatre leviers activés
Pour mettre en place cette UMC, plusieurs leviers sont activés. Premièrement, la création d’un Point d’Accès Unique Européen (PAUE) visant à centraliser l’ensemble des données économiques de toutes les entreprises de l’UE et de tous les produits d’investissement. Cette visibilité offrira même aux plus petites entreprises la possibilité de bénéficier d’investissements. Ensuite, l’investissement à long terme ne rencontrera plus de limite (seuil minimum de 10 000 euros jusqu’à présent). Les fonds d’investissement vont être également davantage régulés et poussés à investir dans les entreprises européennes. Enfin, une révision des règles liées aux marchés d’instruments financiers engendrera une plus grande transparence pour que tous les investisseurs aient accès aux données de négociation.
Un contexte difficile qui a un parfum de tournant
Le contexte a favorisé cette accélération et ce pas en avant dans la réalisation de l’Union financière, tant désirée par beaucoup d’acteurs depuis très longtemps. La crise traversée en raison de l’épidémie de Covid puis désormais de l’invasion russe en Ukraine, sont des moments coûteux pour les économies nationales. Il faut donc trouver des ressorts fiables pour maintenir des mécanismes de financement fiables au sein de l’UE.
Alors que la situation géopolitique est, aujourd’hui, complètement bouleversée par l’arrivée de la guerre aux portes de Schengen, l’UE voit aussi une opportunité de consolider son espace. Les demandes d’adhésion de l’Ukraine mais aussi de la Géorgie ou encore de la Moldavie sont des opportunités à saisir pour l’UE mais ces dossiers ne seront pas traités sans prendre en compte la dimension financière : pour entrer dans l’Europe, ces pays devront accepter les règles mises en place par la Commission Européenne, notamment en matière de préservation des capitaux européens.
Plus que jamais, l’Union européenne entend asseoir son modèle et bénéficier de cette période troublée pour prouver à ses détracteurs qu’elle est l’outil indispensable pour permettre au Vieux Continent de se relever.
Photos : agefi.fr