Le 3 juillet dernier, l’Egypte vivait son deuxième coup d’état en 2 ans et demi. L’éviction manu militari de Mohamed Morsi, ayant succédé à Hosni Moubarak lors des révoltes du printemps de 2011, laisse planer de fortes incertitudes quant à la capacité de l’économie égyptienne à redresser la barre, malgré l’arrivée au pouvoir du prix Nobel de la paix Mohamed el-Baradei. Décryptage.
Tout commence au printemps 2011. Le peuple égyptien, lassé de 30 de règne sans partage d’Hosni Moubarak, se soulève et ce dernier est contraint à la démission. Mohammed Morsi est alors élu président sous l’œil bienveillant de l’armée. Mais l’instabilité politique a alors des répercutions directes sur l’économie du pays. La livre, monnaie locale, perd de sa valeur, les prix grimpent et le tourisme, principal moteur de l’économie, bas fortement de l’aile.
Le tourisme touché de plein fouet.
Le tourisme a subi de plein fouet la crise politique égyptienne. Le nombre des visiteurs annuels est passé de 14 millions en 2011 à, à peine, plus de 11 millions attendus en 2013. Malgré une histoire riche de plusieurs millénaires et des plages paradisiaques, l’instabilité politique ainsi que les mesures restrictives envisagées du musulman modéré Morsi – entre autres interdiction de l’alcool et des bikinis dans les stations balnéaires – auront effrayé un nombre important de touristes potentiels. Manque à gagner gigantesque quand on imagine que le secteur touristique représente un emploi sur sept dans le pays.
Des indicateurs économiques très pessimistes
Autre conséquence directe de la crise politique, la livre égyptienne a vu sa valeur déprécier de 12 % depuis fin 2011. Un dollar s’échange contre 6,99 livres. Un euro vaut maintenant 9,12 livres alors qu’il s’échangeait à 9,04 livres en avril dernier. La position de l’Egypte sur la scène économique internationale s’est ainsi affaiblie, d’autant plus que le pays est le premier importateur mondial de céréales.
Et si l’Egypte produit du pétrole pour le marché interne, elle n’en est pas moins confrontée à une pénurie d’énergie, l’électricité étant importée. L’avance de réserves, inférieure à 15 milliards de dollars soit 3 fois moins importante qu’en 2011, ne couvre que 3 mois d’importations. Tout ceci fait que la croissance ralentit fortement.
Alors que l’Egypte était un moteur dans la région avec une croissance de 5,1 % avant crise, celle-ci est maintenant descendue à 2,5 % selon le FMI. Le déficit budgétaire s’est creusé passant de 9,8 % du PIB en 2010 à 10,8% en 2012.
L’aide internationale reste bloquée
L’Egypte est ainsi devenue encore plus dépendante de l’aide internationale. Mais le FMI tarde à débloquer les 4,8 milliards d’euros promis. Les négociations restent dans l’impasse du fait de l’instabilité politique.
Christine Lagarde requiert du gouvernement égyptien la suppression des subventions sur le prix des carburants ainsi que la hausse des impôts, ce à quoi le peuple égyptien est loin d’être préparé. Quid de L’UE? Celle-ci attend sagement que le FMI se décide pour sortir le portefeuille de sa poche.
Une inflation galopante
Au delà de toutes ces considérations économiques quelque peu opaques pour le commun des mortels, c’est bien le peuple égyptien qui trinque en dernier ressort. Outre les coupures incessantes de courant, l’inflation pourrait s’élever à 9% cette année, notamment en ce qui concerne les produits de première nécessité tels que la farine (une menace de pénurie de blé pèse), le lait ou autre viande. Les files d’attente n’en finissent plus dans les stations-service.
Si beaucoup d’Égyptiens sont aujourd’hui dans la rue, c’est moins pour une raison politique, religieuse ou idéologique que pour une raison purement économique: la défense de leur pouvoir d’achat.
Une crise durable
L’arrivée au pouvoir du prix Nobel de la paix Mohamed el-Baradei ne risque pas de faire évoluer la situation. La division règne toujours au sein du peuple égyptien entre partisans du président déchu Mohammed Morsi et ceux du changement. Ce dernier passera par la victoire, certainement violente, des uns sur les autres, ce qui prendra du temps. Le renouveau de l’économie égyptienne, intimement lié à la stabilisation politique, n’est pas pour demain…