Cela fait déjà plus d’un mois que l’acerbe ministre des Finances brésilien, Joaquim Levy, a démissionné en attisant la crainte que le déficit du budget qui touche la plus large économie d’Amérique latine ne provoque la perte de valeur de sa monnaie, le real brésilien, et incite sa vente en masse. Suite à quoi la présidente de centre-gauche Dilma Rousseff a décidé de remplacer cet universitaire formé à Chicago par Nelson Barbosa, jusqu’à présent à la tête du ministère du Plan et considéré par les analystes comme plus souple face à l’austérité fiscale.
Le Brésil fait face à la pire récession que le pays ait connue en 25 ans. Dans un communiqué Joachim Levy a affirmé qu’il restait confiant et qu’il croyait dans une reprise de l’économie en 2016. « Le temps nous montreras que nous pourrons recueillir les résultats du travail que nous avons effectué cette année ou nous nous sommes efforcés de remettre le Brésil sur les rails », a-t-il déclaré. Car les chiffres sont alarmants : en 2015, au troisième trimestre, l’économie du pays a diminué de 1.7% par rapport au deuxième trimestre. Et par rapport à l’année précédente, elle est 4.5% plus petite.
La démission de Levy est une énorme déception pour ceux qui se battaient pour des budgets plus serrés et une austérité contrôlée afin de résoudre la crise économique brésilienne qui s’aggrave. La présidente quant à elle n’a donné aucune raison pour le départ de son ministre.
Levy, le ministre de l’austérité
En effet Joaquim Levy s’est toujours montré particulièrement en faveur d’une position forte en ce qui concerne l’ajustement fiscal quand Barbosa s’est rapidement imposé comme un économiste à contre-courant et enclin à appliquer des mesures anticycliques. Nul doute que ce dernier sera également plus réceptif aux interventions de la présidente dans le domaine. Et déjà, les marchés s’adaptent à cette décision en s’ajustant à des niveaux plus faibles pour être en phase avec la monnaie.
La présidente Rousseff avait originellement appointé Joaquim Levy au début de son deuxième mandat il y a tout juste un an, en janvier 2015. Elle voyait en lui l’homme capable de rééquilibrer des finances publiques entrainées dans une chute abyssale après des années de stimulation fiscale sans grand impact.
Premiers soubresauts de la politique de Joaquim Levy
Mais les tentatives de Joaquim Levy d’augmenter les taxes et de réduire les dépenses du gouvernement ont été rapidement confrontées au barrage de l’opposition d’une assemblée rebelle qui fut rapidement ralliée par des membres de la majorité de la présidente Rousseff et du Parti dirigeant des travaillistes.
C’est en septembre 2015 que son sort fut définitivement scellé après que l’agence Standard & Poor’s puis Fitch, en décembre, aient réduit la cote de crédit du Brésil à un niveau alarmant. Et pourtant, l’objectif de Levy lorsqu’il prit ses fonctions était bien de sauvegarder le statut si précieux de « l’Investment Grade » brésilien.
« Le départ du ministre Levy pourrait cependant bien compliquer les efforts de consolidation fiscale étant donné que cela suggère un ajustement des politiques fiscales afin qu’elles soutiennent la croissance économique » a cependant déclaré Samar Maziad un des principaux analystes chez Moody’s, qui elle n’a pas dégradé la cote le Brésil.
Un ministre en mal de soutien
Joaquim Levy fut davantage affaibli lorsque l’opposition démarra une procédure de destitution à l’encontre de Madame Rousseff à l’assemblée. Une manœuvre qui obligea la présidente à aller chercher des soutiens à l’extrême gauche de son parti qui est viscéralement opposée à l’ajustement fiscal. Ceci laissant ainsi très peu d’espace d’expression au ministre Levy et son programme d’austérité.
Les législateurs de gauche constituent la première ligne de défense de la présidente a l’assemblée, et elle a besoin que les mouvements sociaux et autres syndicats (qui sont tous deux la base des soutiens du parti travailliste) se rallient à sa cause dans la rue.
Le Brésil, une économie ravagée
L’économie brésilienne a souffert d’un dramatique déclin tout au long de 2015. Les économistes, sondés par la Banque centrale, s’attendent à ce que la croissance économique passe de 3,6% en 2015 à 2,7 en 2016 et que l’inflation passe de 10,61% fin 2015 à 6,8 en 2016. La cible établie par la Banque centrale en termes d’inflation est de 4.5%.
Le déficit grandissant du budget n’a de cesse d’augmenter les intérêts payés par le gouvernement, aggravant le déficit qui tourne désormais à 9,5% du produit intérieur brut (PIB) et alourdissant la dette publique.
Certains analystes rapportent que le nouveau ministre des Finances M. Barbossa avait démissionné de l’administration précédente de Madame Rousseff pour montrer son désaccord face à certains tours de passe-passe comptables dont la précédente équipe économique avait recours pour masquer le déficit du budget. Ces manœuvres ont été dénoncées quelques mois plus tard par les chiens de garde des comptes du Brésil, le TCU.
Une économie dirigée par un pantin ?
Cependant Barbossa est toujours vu comme moins agressif en matière de politique fiscale et plus souple lorsque la présidente se mêle d’un de ses dossiers. Pour certains, il semble clair que le ministre ne sera qu’un pantin de la présidente. Une « marionnette » qui a toutefois assuré qu’il allait garder un contrôle très serré sur les dépenses publiques, ce qui reste un des reproches majeurs faits au gouvernement. Toujours est-il que la présidente Rousseff serait bien en mal de s’impliquer dans les ajustements fiscaux alors qu’elle doit faire face à deux fronts simultanément : la procédure de destitution d’une part et l’enquête pour corruption qui a lieu au sein de Petrobras, une compagnie pétrolière aux mains de l’Etat.
Nul doute que les taux d’intérêts continueront d’augmenter dans les semaines qui suivent. Les dysfonctions au sein de l’Etat ne sont que quelques arguments de plus pour pousser les autorités monétaires à être sans pitié.
Mais il n’aura pas fallu beaucoup de temps à Joaquim Levy pour retomber sur ses pieds. L’architecte de l’austérité a d’ores et déjà rejoint la Banque mondiale en tant que directeur financier.