Afin de respecter les nouvelles normes comptables européennes, l’Italie va intégrer les revenus générés par le trafic de drogue et la prostitution dans son PIB.
Dès septembre 2014, les revenus générés par l’économie souterraine devront être incorporés au calcul du Produit Intérieur Brut des pays européens. L’agence en charge des statistiques de l’Union européenne, Eurostat, a clairement défini les nouvelles normes comptables européennes, qui entreront en vigueur à la rentrée. ESA 2010, le texte élaboré par Eurostat, stipule que « la définition d’une transaction implique que l’interaction entre les unités institutionnelles se fasse d’un commun accord (…). Les activités économiques illégales doivent être considérées comme des transactions quand toutes les unités parties prenantes le font par accord mutuel. De ce fait, achats, ventes ou troc de drogues illégales ou d’objets volés sont des transactions quand le vol ne l’est pas. »
Une aubaine pour l’Italie
Le gouvernement semble prompt à mettre en œuvre cette nouvelle directive européenne. L’agence de statistiques italienne, Istat, a d’ores et déjà fait savoir qu’elle appliquerait les nouvelles normes comptables prescrites par Eurostat. Gian Paolo Oneto, à la tête de la direction de la comptabilité nationale à l’Istat, coupe court aux critiques en arguant que les règles ont été définies pour tous les Etats membres de l’Union européenne et que l’Italie n’entend pas s’y soustraire. Pour un peu, l’Italie passerait pour le bon élève européen, et Matteo Renzi, le premier ministre italien, remercierait les mafiosi pour leurs activités prolifiques, grâce auxquelles le PIB italien va grimper.
L’économie souterraine italienne en quelques chiffres
Les activités illégales sont nombreuses en Italie, encore partiellement aux mains de la mafia. Ndrangheta, la mafia calabraise, actuellement la plus puissante de la botte italienne, réalise un chiffre d’affaires annuel estimé à 53 milliards d’euros (presque autant que ceux d’Airbus et de Peugeot !). Les Nations unies estiment que la mafia italienne, toutes organisations confondues (Cosa Nostra, Calabre, Ndrangheta, Sacra Corona Unita, Stidda, Camorra) réalisent des bénéfices de 116 milliards d’euros, soit 5,9 % du PIB italien ! La vente de drogue génère quelque 24,2 milliards d’euros. Quant à la prostitution, elle pèse relativement peu, «rapportant seulement » 370 millions d’euros par an.
Vers une envolée du taux de croissance du PIB italien ?
Eurostat prévoit déjà que l’intégration de l’économie souterraine dans le calcul du PIB va considérablement doper le taux de croissance du PIB italien, lequel pourrait atteindre 2,4 % (taux bien supérieur au 1,3 % sur lequel table l’équipe de Matteo Renzi. L’Istat estime que la totalité des revenus générés par les activités souterraines (mafias, prostitution, trafic de drogue, contrebande de cigarettes et d’alcool, et autres activités illicites) pourrait représenter 10,9 % du PIB, soit quelque 147 milliards d’euros par an au total.
Comment peut-on évaluer l’économie souterraine ?
Par quels biais va-t-on évaluer les revenus générés par les transactions illégales en tous genres sur le territoire italien ? On peine à imaginer un mafioso de la Camorra (la mafia napolitaine) passer un coup de fil à un statisticien de l’Istat pour lui communiquer le montant de ses profits et la croissance de ses activités. L’Istat prendra en considération les données fournies par la police et les magistrats, ainsi que par les ONG qui travaillent avec les prostitués et les drogués.
La polémique enfle
D’aucuns s’insurgent contre la prise en compte des bénéfices générés par la drogue et la prostitution dans le calcul du PIB italien. Une fois intégrées toutes les activités illégales dans tous les Etats membres, le PIB européen pourrait progresser de 0,5 %. Un porte-parole d’Eurostat rappelle que les Etats-Unis appliquent des normes comptables similaires depuis l’année dernière. Dans l’hexagone, on joue la carte de la vertu, l’Insee ayant opté pour une double comptabilité.
L’Italie, qui a traversé quatre périodes de récession en l’espace de treize années, et dont l’économie a frôlé la banqueroute en 2011, saura sans nul doute tirer son épingle du jeu grâce à cette aubaine venue tout droit de Bruxelles… n’en déplaise aux plus vertueux.