En pleine crise économique liée à l’épidémie de Covid-19, le crédit inter-entreprises apparaît pour beaucoup comme une solution vertueuse permettant de développer une solidarité entre petites sociétés. La réalité peut paraître un peu plus nuancée.
Se prêter de l’argent entre sociétés sans avoir à passer par les banques. C’est possible pour les PME, les TPE et les ETI depuis le 1er janvier 2016. Cela grâce la mise en vigueur du crédit inter-entreprises qui permet aux sociétés n’appartenant pas au même groupe de se prêter de l’argent via des accords commerciaux d’achat et de vente. C’est, en quelque sorte, des délais de paiement accordés entre deux partenaires autour, d’un côté, le crédit client et, de l’autre, le crédit fournisseur.
Les avantages et les atouts offerts aux petites entreprises sont faciles à lister. Déjà, celle qui consent à offrir un crédit à son client permet à celui-ci de ne pas avoir à avancer de trésorerie et de ne payer qu’à la livraison des biens produits ou des services facturés. Cela permet ainsi de contourner les groupes bancaires qui refusent parfois de prêter à de nouvelles entités. Enfin, argument commercial de grande qualité, ce crédit inter-entreprises permet plus de souplesse et une plus grande rapidité pour les paiements.
Idéal en période de crise ?
Pour qu’une entreprise puisse être éligible à ce crédit spécial, il faut qu’elle respecte une série de contraintes car un encadrement très précis a été ordonné par la loi promulguée le 1er janvier 2016. Premièrement, le prêt ne doit pas excéder deux ans et un lien économique doit être entretenu entre les deux sociétés concernées, que ce soit une relation de clientèle, d’exploitation de licence, de sous-traitance directe ou indirecte ou une appartenance à un même groupement d’intérêt économique. Les comptes du prêteur doivent être certifiés par un commissaire aux comptes. Il doit aussi être une société par actions ou une SARL et disposer d’une trésorerie excédentaire, sachant que le montant du prêt ne peut excéder plus de 50 % de sa trésorerie nette.
En ce contexte de Covid-19, le système de crédit inter-entreprises présente un profil idéal car il pourrait permettre des financements de relance entre PME, TPE et ETI dans un cercle vertueux qui s’inscrirait en interne de l’écosystème des petites entreprises. Beaucoup d’observateurs insistent sur l’intérêt des entreprises à s’aider pour se relancer en développant davantage de solidarité inter-entreprises, de manière à se sortir de cette crise sans précédent.
L’idée serait aussi de prolonger cette solidarité naissante afin d’en faire les piliers de l’organisation économique d’un futur proche, à travers des relations toujours plus souples entre entreprises. En tendant ainsi vers plus d’agilité et plus de défiance vis-à-vis du système bancaire traditionnel, les entreprises gagneraient en indépendance financière en permettant des financements en circuits courts et directs, plus en rapport avec la réalité de leurs modèles économiques à échelle locale.
Les risques à prendre en compte
Mais forcément, dans tout idéal de modèle vertueux, il y a des risques et les établissements financiers ne manquent pas de les rappeler, afin de ne pas tenter leurs clients de leur tourner le dos. Leurs arguments sont aussi à prendre en compte car il est question du danger que peut comporter de tels financements pour des PME qui auraient du mal à évaluer les risques de solvabilité de leurs clients et pourraient ainsi se retrouver avec des retards de paiement.
Un retard voire pire, un défaut de paiement, génèrerait à coup sûr un impact dans la chaîne économique développée, ce qui pourrait déboucher sur un cercle vicieux. Le rapport de force entre les entreprises peut aussi vite créer des déséquilibres en faveur des créances et développer des écarts considérables entre les dettes fournisseurs et les créances sur les clients. Avec un tel cas de figure, l’entreprise doit elle-même combler l’écart, puisqu’elle n’est pas assurée par un établissement financier.
Vision idéaliste d’un futur de solidarité inter-entrepreneuriale qui générerait des cercles vertueux loin des banques ou réel danger de créer des déséquilibres et de créer des cercles vicieux, le crédit inter-entreprises a autant de supporteurs que de détracteurs. Mais en période de crise, il peut incarner un salut et une porte d’entrée vers des lendemains un peu plus radieux.
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