Groupes financiers et culture, voici un mariage d’intérêt qui fonctionne depuis plusieurs années. En effet, le mécénat privé est en vogue en France, en même temps que les financements publics s’étiolent. Quand les crises économiques couvent, le secteur de la culture est généralement le premier à trinquer. Les regards se tournent alors vite vers le mécénat privé afin de trouver des financements pour les projets.
Cette tendance se matérialise par des chiffres éloquents : la part des entreprises dans le mécénat culturel représente 37 % des actions de mécénat en France en 2023. Sachant que le mécénat privé, de manière générale, a été multiplié par plus de dix depuis la fin des années 2000, cela en dit long sur le volume de projets culturels financés par des subventions privées.
Le moyen le plus efficace d’être impactant
Parmi les mécènes issus du secteur privé, on retrouve de nombreux groupes financiers, les banques en tête. BNP, Société générale… les grands établissements bancaires disposent de leurs fondations qui vont investir de l’argent sur des projets pas forcément rentables, comme l’explique Isabelle Giordano, déléguée générale de la fondation BNP Paribas : « La philanthropie est une prise de risque ». Mais selon l’ancienne journaliste, financer la culture est aussi l’un des moyens les plus efficaces d’être impactant sur la société. Les grands groupes financiers sont toujours partants lorsqu’il s’agit de créer des initiatives qui peuvent avoir un impact positif.
Dans le même temps, ils aiment associer leur nom à un projet culturel d’envergure ou à un artiste connu et bien coté. L’image est très importante et compte pour beaucoup dans ce mariage d’intérêts entre entreprises et artistes qui évoluent pourtant généralement dans des mondes très opposés. D’ailleurs, les nouveaux enjeux environnementaux sont de nature à perturber cette entente entre les deux bords. De nombreux artistes se montrent de plus en plus réticents à l’idée d’associer leur image avec une entreprise qui ne correspond pas à leurs valeurs.
Les grands groupes pétroliers comme TotalEnergies, par exemple, sont dans le viseur. Les artistes se montrent sans cesse plus virulents vis-à-vis de ce genre de groupes, comme le montrent certaines initiatives de protestation qui ont eu lieu ces derniers mois. Par ricochet, les fondations des établissements bancaires peuvent être visées puisque certaines banques sont reconnues comme finançant les projets en lien avec l’énergie fossile.
De nouvelles formes de mécénat émergent
L’environnement étant au cœur des préoccupations, le mécénat a évolué ces derniers mois. La part des projets culturels pourrait diminuer au profit d’actions plus en accord avec les priorités du moment. Automatiquement, les objectifs du mécénat devraient donc bouger. Ainsi, certaines start-up intègrent dès leur lancement un volet de mécénat à destination du changement climatique. De même, face à la menace de certains principes démocratiques ou d’acquis sociaux, les entreprises peuvent tenter de réagir en finançant des projets qui ont pour but de consolider une vision de la société qui est mise en danger (droit des femmes, égalité, etc.).
Quelles que soient les directions que prendront les grands groupes et leurs fondations en matière de mécénat, leurs actions vont se poursuivre tant qu’elles en auront les moyens. La baisse des subventions publiques rend incontournable le financement privé, même si la façon de s’engager est très différente. Quand les institutions publiques s’engagent sur des financements une fois que le projet est ficelé et terminé, les fondations préfèrent travailler sur le projet dès son lancement. De même, les subventions privées sont plus volatiles : d’une année sur l’autre, des projets peuvent être remis en cause car le groupe change de stratégie.
Mariés depuis de nombreuses années, les artistes ou acteurs culturels et les grands groupes financiers devraient encore poursuivre leur petit bonhomme de chemin. A condition, toutefois, que l’intérêt commun subsiste.
Photos : lagazettedescommunes.com / actu-juridique.fr