Ils ont passé une vie à entière à dénoncer les inégalités sociales et à prouver qu’il existe une société à deux vitesses. Un travail effectué en couple, de manière passionnée et passionnante. Michel Pinçon, né en 1942 et son épouse Monique Pinçon-Charlot, de quatre ans sa cadette, sont les sociologues à la mode en France.
Chercheurs au CNRS, ils profitent de la fin de leur carrière en 2007 pour écrire plus librement et s’engager davantage dans leurs travaux. Ils deviennent célèbres lorsqu’ils publient en 2010 Le Président des riches, véritable pamphlet contre Nicolas Sarkozy alors président de la République en exercice. Quelques années plus tard, le couple publie Le Président des ultra-riches (janvier 2019) visant un autre président en fonction, Emmanuel Macron.
A travers ces deux ouvrages qui s’attaquent de front aux politiques menées par des présidents de la République qui leur sont contemporains, les deux intellectuels s’efforcent de prouver que la France est en proie aux inégalités de classe. Ils tentent de proposer une étude sociologique mettant en exergue les avantages octroyés par les hommes politiques à ceux qui ont beaucoup d’argent.
Une immersion chez les riches
Les riches, un milieu que Monique et Michel apprennent à bien connaître. En 1986, pour les besoins de travaux sociologiques, ils se font ouvrir les portes de la grande bourgeoisie parisienne. Magistrats, politiques, dirigeants de grandes entreprises, intellectuels ou artistes, ils se mêlent à ceux qui ont tout, la puissance, le pouvoir et l’argent. Ils en tirent plusieurs ouvrages dont Dans les beaux quartiers, publié en 1989 ou La chasse à courre, ses rites et ses enjeux (1993). Les livres ne plaisent pas forcément à ceux qui avaient accueilli en leurs rangs des intellectuels issus de milieux plus modestes. Ils ne sont plus conviés, sans que cela ne les dérange, eux qui ont toujours affiché leur appartenance à la gauche, notamment en soutenant Jean-Luc Mélenchon en 2012 avant de s’en éloigner.
Michel est un fils d’ouvriers des Ardennes et Monique la fille d’un procureur de Lozère, élevée dans un cercle de petits notables de province. Ils se rencontrent alors qu’ils sont tous deux étudiants à Lille, se marient en 1967 et filent ensemble au Maroc pendant un an et demi. Ils y enseignent le français tout en travaillant sur un sujet sociologique : « la fonction de classe de la langue française au Maroc ». Chaperonnés par le sociologue Jean-Claude Passeron, ils se mettent à fréquenter le célèbre Pierre Bourdieu qui s’invite à la table familiale.
En 1970, ils intègrent l’Institut de recherche sur les sociétés contemporaines (IRESCO) et le Centre de sociologie urbaine (CSU). Plus tard, ils deviennent directeur de recherche au CNRS, postes qu’ils occupent jusqu’à leur départ à la retraite. L’inégalité sociale et fiscale, la reproduction sociale, la bourgeoisie ou la ségrégation urbaine sont les thèmes de prédilection des époux Pinçon-Charlot dont les ouvrages sont régulièrement salués et plébiscités par les milieux de gauche.
Les « Pinçon-Charlot » : une référence contestée
Le couple devient une référence en matière de recherches sociologiques sur les riches mais leur parole est également contestée. Certains leur reprochent un manque de rigueur scientifique, d’autres une stigmatisation de la richesse qui entraîne une « richophobie » dangereuse et beaucoup sont ceux qui n’apprécient pas la dualité riches-pauvres mise en exergue par leurs études.
Lorsqu’ils sont invités sur les plateaux de télévision, ils démontent avec calme et savoir les arguments de leurs détracteurs. Ils poursuivent leur cap, tranquillement installés dans leur pavillon de Bourg-la-Reine dans les Hauts-de-Seine où leur vie ne ressemble pas vraiment à celle de septuagénaires paisiblement retraités. Toujours actifs et sollicités pour des interviews ou des rencontres, ils préparent encore la publication de nouvelles études qui devraient évidemment avoir pour objet les inégalités.