La finance «verte» ou «durable» est un concept qui gagne en popularité auprès des investisseurs, alors que le réchauffement climatique et ses conséquences ne se sont jamais fait autant ressentir. Depuis quelques mois, les experts constatent une augmentation considérables des labels finance durable sur le marché européen, alors même que leur définition reste assez floue.
Développement et concurrence
Beaucoup d’épargnants, notamment les jeunes actifs désirent investir leur argent dans des placements qui ont du sens, au-delà de la simple rentabilité. Ils désirent par exemple placer leur capital dans des produits financiers qui respectent l’environnement ou encore les droits humains. Les labels finance durable ont donc été créés, afin d’aiguiller les épargnants vers des fonds jugés responsables.
Et depuis quelques mois, de plus en plus de labels font leur apparition sur les marchés financiers. Selon Novethic, le média spécialisé dans l’économie responsable, c’est plus d’une centaine de fonds supplémentaires qui ont été labellisés en 2020, et les investisseurs s’approchent des 1000 attributions de label sur le premier trimestre, pour 326 milliards d’euros d’encours. En comparaison, fin décembre 2019, les encours des fonds durables atteignaient 278 milliards d’euros.
Si le bond est certes impressionnant, cette abondance n’est pas obligatoirement une bonne nouvelle car face à autant de labels, il est parfois difficile de s’y retrouver…
Des réglementations à préciser
En effet, c’est un peu le bazar au pays de la finance durable. Rien que sur les labels étatiques, à chacun ses exigences et ses référentiels. En France, il est pourtant impossible de passer à côté du sigle ESG, désignant trois critères fondamentaux:
- Le critère environnemental, qui tient compte de la gestion des déchets, de la réduction des émissions de gaz à effets de serre…
- Le critère social, qui prend en considération le respect du droit des employés, la formation du personnel, la prévention des accidents…
- Le critère de gouvernance, qui vérifie l’indépendance du conseil d’administration, la vérification des comptes…
En théorie, ces critères extra-financiers (ndlr: qui ne sont pas relatifs à la performance financière) semblent garantir un investissement «propre». Mais dans les faits, c’est malheureusement un peu plus complexe. En effet, selon la directrice de Novethic Anne-Catherine Husson-Traore, les critères ESG sont «une matière molle», car il n’existe aucune limite claire à partir de laquelle une entreprise sort des critères ESG. Une entreprise peut donc être irréprochable sur le critère de gouvernance, et déplorable sur le critère environnemental, sans être pour autant exclue.
C’est par exemple le cas de nombreuses entreprises labellisées ISR (Investissement Socialement Responsable). Ce label revendique 395 fonds labellisés pour un encours de 141 milliards d’euros, et affirme suivre les critères ESG. Pourtant, on retrouve sous le label ISR des sociétés ayant des activités dans le pétrole, le charbon ou encore le nucléaire. Pas terrible pour le prétendu premier label finance durable d’Europe.
Pour être sûr de montrer «patte verte» en France, il vaut mieux se référer au label Greenfin, bien plus exigeant. Créé par le ministère de l’Écologie, ce label délivré par Novethic, EY France et Afnor exclut les énergies fossiles et nucléaires, ainsi que toute entreprise soupçonnée d’être en violation des droits humains.
Une clarification qui se fait attendre
Et quand les définitions et les critères peuvent varier pour chaque label d’Europe, que ce soit le FNG-Siegel en Allemagne, le Nordic Swan Ecolabel dans les pays scandinaves, et des centaines d’autres à travers l’UE… La multiplication croissante des labels devient vite un véritable casse-tête pour un investisseur, et ce malgré les meilleures volontés du monde.
D’ailleurs, les autorités françaises et a fortiori européennes travaillent déjà sur un référentiel unifié de l’information extra-financière, qui permettrait d’apporter des limites plus claires à la prolifération de labels qui s’autoproclament responsables ou verts. Seulement, le seul point sur lequel tout le monde est d’accord aujourd’hui, c’est que nous sommes encore très loin d’un consensus européen sur la question du label vert. Et par conséquent, d’un organisme de coordination.
En toute logique, les agences de notations privées devraient être les seules à pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie pour encore quelques années.
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