Alors que les effets de la crise touchent encore l’ensemble des activités industrielles et économiques, un secteur fait preuve d’une bonne santé presque insolente : l’Art.
Pour comprendre cette situation, nous avons posé 3 questions à Willem Vedovi.
Qui est Willem Vedovi ?
Willem Vedovi est co-fondateur et directeur de la Galerie Vedovi. Fondée en 1955, cette galerie est spécialisée dans l’art moderne et contemporain. Sur ses murs, on retrouve des œuvres d’ artistes aussi incontournables que Picasso, Warhol, Rothko, Magritte, Soulages… Présent dans cet univers depuis des dizaines d’années et spécialiste chevronné du monde de l’art, Willem Vedovi est un fin connaisseur de ce marché hors norme, capable d’échapper à la crise et même d’atteindre des sommets, alors que l’économie « traditionnelle » fait grise mine.
L’interview
Le Blog Finance : Willem Vedovi, quel regard portez-vous aujourd’hui sur le marché de l’art ? Est-ce vraiment la ruée vers l’or ?
Willem Vedovi : Pour moi, il est important de ne pas succomber à cette rumeur qui voudrait nous faire croire que le marché de l’art est une infatigable poule aux œufs d’or. Méfions-nous des schémas trop simplistes. La tendance est positive, je le reconnais.
Mais cela ne rend pas le métier plus « facile », bien au contraire. Les acteurs se bousculent et les clients sont de plus en plus exigeants. De plus, si le marché est dynamique, il est surtout de plus en plus globalisé.
Comme dans le reste de l’économie classique, les frontières n’existent plus dans le monde de l’art, et les centres de gravité se multiplient.
Aujourd’hui, les collectionneurs se trouvent au Brésil, en Chine, ou en Inde. Il faut donc aller les chercher, comprendre leurs attentes, trouver les bons artistes et les bonnes œuvres !
Tout cela nécessite un travail sérieux.
Autre point : le marché de l’art bénéficie des revers auxquels font face les secteurs économiques conventionnels. On pourrait croire à un paradoxe, mais en fait, cela n’est que logique : les investisseurs ont toujours soif de nouveaux projets et de nouvelles sources de croissance. Face à la morosité du monde des affaires, ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers l’art, qui apparaît comme un secteur dynamique et attractif.
Je dirai donc non, pas de ruée vers l’or à l’horizon ! Les indicateurs sont dans le vert et l’engouement général est là, mais seuls les plus avisés peuvent tirer leur épingle du jeu, car si le marché est bon, il est aussi de plus en plus complexe.
LBF : Quelle est votre vision pour les années à venir ? Certains parlent de « bulle de l’art contemporain », qui devrait finir par exploser. Est-ce votre avis ?
Willem Vedovi : Je préfère me tenir éloigné d’un scénario catastrophe. Vous savez, j’ai le bonheur de travailler dans cet univers depuis de longues années. J’ai donc connu des périodes difficiles comme des moments d’euphorie.
L’expérience nous apprend à conserver un minimum de sang-froid, pour ne pas courir de risques inutiles ou se laisser séduire trop facilement.
Je pense que les économies émergentes vont jouer un rôle majeur dans l’évolution du marché, et cela à deux niveaux. En premier lieu, l’augmentation du nombre d’acheteurs et de clients potentiels.
Celle-ci s’explique par l’émergence des nouvelles fortunes à travers le monde, notamment dans les pays des BRICS.
Dans un second temps, je pense qu’il faut s’attendre à une reconnaissance croissante des artistes issus de ces mêmes pays. De nouveaux noms vont apparaître, et donc de nouvelles œuvres vont circuler.
Pour moi, ce constat annonce l’avènement d’un marché de l’art plus étendu et plus dense, plutôt qu’une simple mode éphémère.
LBF : Soyons un peu pratiques. Quels conseils pourriez-vous donner à un particulier qui souhaite acquérir une oeuvre d’art ?
Willem Vedovi : Mon premier conseil serait d’abord de s’interroger sur les raisons d’un tel achat. Est-ce uniquement pour investir et tenter de revendre une oeuvre par la suite ? Ou est-ce par simple amour de l’art ? Ces questions, aussi simples soient-elles, sont pour moi incontournables. Etre capable de répondre d’y, c’est un premier pas essentiel.
Ensuite, je dirai qu’il faut s’interroger sur ce que l’on veut acquérir. Le marché de l’art est infiniment varié, et donc, tout est possible.
Enfin, j’invite les futurs propriétaires d’œuvres d’art à pousser la porte des galeries. Si l’art est une passion, c’est aussi un métier. Les directeurs de galeries ne sont pas de simples marchands. Ils sont aussi là pour échanger, comprendre et conseiller.