Tidjane Thiam a pris le 1er juillet dernier les rênes de Credit Suisse. Retour sur la carrière d’un homme qui n’a jamais tourné le dos à un nouveau défi.
Si la nouvelle était connue depuis le mois de mars, le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam a officiellement pris ses fonctions en tant que PDG de Credit Suisse le 1er juillet dernier. Il quitte par la même occasion sa précédente fonction au sein du groupe Prudential.
Il succède à Brady Dougan qui quitte la deuxième plus grande banque suisse après 25 ans de bons et loyaux services. Ce dernier avait su tenir la barre durant la crise financière dont plus d’un dirigeant avait fait les frais et avait plutôt bien géré la tempête lorsque le Credit Suisse s’était vu condamné à payer une amende de 2,8 milliards de dollars par Washington après l’affaire du conflit fiscal. Mais sa fin de règne s’est avérée décevante et de son propre aveu l’américain a déclaré qu’il aurait pu être plus prudent après avoir présenté son dernier bilan trimestriel aux actionnaires.
C’est dire si les attentes liées à l’arrivée de Tidjane Thiam sont importantes et si sa prise de fonction constitue un acte stratégique de la part des investisseurs de la banque helvétique. Ces derniers ont fixé comme objectif au nouveau patron de renforcer la capitalisation du groupe et mettre en mouvement un changement stratégique majeur, à savoir la mutation de la banque d’investissement vers la gestion de fortune, en particulier en Asie, continent à la croissance enjouée.
Tidjane Thiam : devenir le meilleur
A 52 ans, le Franco-Ivoirien affiche une carrière exemplaire. Membre de la famille de l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny, Tidjane Thiam est diplômé des très prestigieuses Ecole polytechnique et Ecole nationale supérieure des mines de Paris.
Dernier né d’une famille de sept enfants, Tidjane Thiam a toujours eu le désir de réussir et devenir le meilleur. Après avoir obtenu son bac au lycée français d’Abidjan, il s’envole pour la France et la classe préparatoire du lycée jésuite Sainte-Geneviève. Si ces parents étaient musulmans pratiquants, ils se sont toujours montrés ouverts lorsqu’il s’agit de religion. En 1981 c’est l’Ecole polytechnique qui lui ouvre ses portes et promet déjà le jeune homme à une grande destinée. Il devient par la même occasion le premier Ivoirien à rejoindre les bancs de la prestigieuse école. Il entre alors à l’Ecole des mines où il se distingue comme un élève brillant intellectuellement.
Malgré ses compétences, le monde du travail ne lui sourit pas. Le directeur des études de l’Ecole des mines lui conseille de se tourner vers le marché anglo-saxon. C’est ainsi que Tidjane Thiam rejoint le cabinet de conseils McKinsey. Voyageant entre New York et Paris, l’avenir s’annonce radieux pour lui en Europe mais c’est un coup de téléphone qu’il reçoit un soir de 1994 qui va le faire revenir en Afrique où il devient directeur du Bureau national d’études et de développement technique à Abidjan (Côte d’Ivoire) en charge des grands travaux.
Tidjane Thiam prévoit le coup d’Etat de 1999 et la crise financière de 2008
En 1998, le technocrate est nommé ministre de la Planification, à contre cœur diront ses proches. Mais sa carrière politique ne sera que de courte durée, le coup d’Etat de 1999 (qu’il avait prédit) le pousse à quitter ses fonctions en 2000. Il retourne alors vers le monde des affaires et devient associé au sein de McKinsey. Son incroyable capacité d’adaptation, son sérieux et son talent en font un homme courtisé.
Mais le Franco-Ivoirien garde le cap et est rapidement propulsé aux sommets. En 2002 il est engagé chez l’assureur Aviva, dont il prendra la tête cinq ans plus tard. Quelques mois plus tard seulement, Prudential, compétiteur d’Aviva, fait les yeux doux au chef d’entreprise mais une clause de non-concurrence freine le transfert. Forcé de prendre du recul, cet observateur sans faille prévoit la crise financière de 2008 et forge une vision du monde financier qu’il parviendra à partager avec son nouvel employeur lorsqu’il prend la tête des 28000 employés de Prudential l’année suivante.
Credit Suisse : vers plus d’éthique
L’homme aurait pu se reposer sur les performances boursières exceptionnelles qu’il a favorisées à la tête de l’assureur mais ce serait mal connaitre cet assoiffé de défis. Le 1er juillet 2015, il devient le patron du Credit Suisse, banque aux 1200 milliards d’actifs sous gestion.
Le choix de Tidjane Thiam n’est pas anodin alors que les banques n’ont jamais eu une aussi mauvaise image et ferait tout pour se racheter une conscience. Nul doute que le fraîchement nommé PDG replacera l’éthique au cœur de la banque helvétique qui aura besoin d’un bilan solide afin d’affronter l’adversité. Et le patron l’a déjà affirmé : le Credit Suisse devra être d’une «sélectivité impitoyable sur ce que fait la banque et, plus important encore, sur ce qu’elle ne fait pas», un message fort qui en dit long sur le style de Tidjane Thiam et qui annonce un retournement notable dans la manière de faire des affaires dans le monde financier.