Issue de l’univers de Wall Street, Ruth Porat, l’une des femmes les plus influentes du monde, fait son entrée chez Google. Sa mission : instaurer une rigueur budgétaire.
Née à Sale, non loin de Manchester, Ruth Porat, 58 ans, est devenue peu à peu une figure incontournable de Wall Street. Avant de rejoindre Google, c’est au sein de la banque d’affaire Morgan Stanley qu’elle s’est fait remarquer. Mise à part une « pause » de trois années durant lesquelles elle suit Robert Greenhill chez Smith Barney, Ruth a effectué la quasi-totalité de sa carrière chez Morgan Stanley. Elle y a exercé différentes positions entre 1987 et 2015, notamment celle de directrice technique, et a fini par cumuler les fonctions de directrice financière et de présidente entre 2010 et 2015.
Souvent présentée comme une travailleuse acharnée (il se murmure même que lors de la venue de son premier enfant, elle continuait à appeler ses clients depuis la salle d’accouchement), Ruth Porat s’est hissée au classement des personnes les plus influentes de ce monde. Elle se place en 32ème position du classement Forbes de 2015.
Une embauche à 70 millions de dollars
Depuis fin mai 2015, Ruth Porat occupe le poste stratégique de directrice financière de Google. Le géant de l’Internet a voulu s’offrir l’une des femmes les plus influentes au monde et il y a mis le prix. Forte de son expertise et sa notoriété dans le microcosme de Wall Street, Ruth Porat s’est vu offrir une prime de 70 millions de dollars pour intégrer l’entreprise.
Une femme engagée politiquement
Mais Ruth Porat n’est pas qu’une femme d’affaire. Elle est également proche du monde politique, et plus particulièrement du parti démocrate. Supportrice d’Hillary Clinton en 2003 lors de la course à la Maison-Blanche, elle alla jusqu’à organiser chez elle une campagne de levée de fonds.
Cependant, lorsqu’en 2013 Barack Obama lui propose le poste de sous-secrétaire au trésor, elle refuse cette opportunité, préférant l’univers des affaires à celui de la politique. Elle avait pourtant déjà travaillé pour la Maison-Blanche, comme conseillère, durant la crise financière de 2008. Mais l’image donnée des banquiers par le monde politique la mettrait, semble-t-il, « mal à l’aise ».
Ruth Porat instaure la rigueur chez Google
Google gagne beaucoup d’argent, mais l’entreprise a également tendance à dépenser sans compter. Au dernier trimestre par exemple, la firme a dépensé 2,8 milliards de dollars (soit 16% de son chiffre d’affaire) pour la recherche et le développement. Du point de vue des ressources humaines aussi Google joue les enfants gâtés. Dernièrement, 10 000 nouvelles personnes ont été embauchées, portant l’effectif total à 57 000 employés. Tous ces investissements déstabilisent les marchés, qui n’en finissent pas d’attendre les retours en terme de résultats.
A l’heure où l’on parle de l’éclatement de la deuxième bulle Internet, la nouvelle directrice financière siffle la fin de l’euphorie. Sa volonté est de rétablir une rigueur budgétaire au sein du groupe, mais surtout de lui donner une ligne stratégique claire qui rassure les marchés. Ruth Porat voudrait recentrer les objectifs sur les activités principales de Google et encadrer les dépenses dans les secteurs autres que l’Internet (tel que l’automobile ou la conquête spatiale).
Google doit-il jouer le jeu des marchés ?
En engageant Ruth Porat pour instaurer la rigueur et être plus à l’écoute des marchés, Google joue le jeu de Wall Street. Mais sa mission sera de composer entre l’appétit des actionnaires qui ne voient pas le retour des nombreux investissements de la firme, et les besoins d’innovation de Google. Car le moteur de recherche doit avant tout sa notoriété aux innovations qu’il a apportées au monde de l’Internet, et donc aux risques qu’il a pris.
Dans un univers de l’Internet qui évolue à une vitesse mirobolante, il pourrait être dangereux de sacrifier l’innovation sur l’autel du profit. Facebook, un adversaire sérieux de Google, a annoncé dans le même temps une augmentation du budget lié à l’innovation. Même si Google conserve un avantage certain sur ses concurrents, la guerre que se livrent les géants de la toile est sans merci et tout peut aller très vite.
Google était il trop visionnaire pour des investisseurs qui ne voient qu’à court terme, ou est il au contraire trop dépensier ? Les marchés semblent en tout cas accueillir favorablement les premières annonces faites par la nouvelle directrice financière. La restructuration de Google en un groupe plus large, ALPHABET, rendant l’organisation plus compréhensible pour les investisseurs, n’y est peut-être pas étrangère.