Par décret du président de la République, Marie-Anne Barbat-Layani est nommée présidente de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). Si c’est une première pour une femme, la nomination fait d’ores et déjà couler beaucoup d’encre, au vu du parcours professionnel de cette ancienne secrétaire générale de Bercy.
L’Autorité des marchés Financiers a un nouveau visage, et pour la première fois, c’est celui d’une femme. Marie-Anne Barbat-Layani, chevalière de la Légion d’honneur est désormais gendarme en chef de la Bourse française. Si le Sénat et l’Assemblée nationale ont donné leur feu vert en octobre dernier, d’autres sont moins enthousiastes… Notamment parce que cette ancienne élève de l’École nationale d’administration alterne depuis longtemps entre secteur privé et public, ce qui interroge sur d’éventuels conflits d’intérêts.
Un parcours entre Matignon, Bruxelles, et les lobbys bancaires
Diplômée de l’ENA en 1993, il faut bien admettre que Mme Barbat-Layani connaît le monde de la finance et de la banque de l’intérieur comme de l’extérieur. Elle commence en effet sa carrière à la Direction générale du Trésor, puis devient attachée financière pour l’Union européenne en 1997 avant de rejoindre le ministère des Finances en 2000. Elle y notamment devient secrétaire générale du comité national de l’euro, et pilote donc le passage entre le franc et la nouvelle monnaie européenne.
Ensuite, Barbat-Layani effectue un détour vers le secteur privé, puisqu’elle devient directrice générale adjointe du Crédit agricole entre 2007 et 2010. Suite à cela, elle repasse du côté de l’État en intégrant le cabinet du Premier ministre François Fillon pendant deux ans (2010-2012) avant de rejoindre l’Inspection générale des finances de 2012 à 2014. Toutefois, elle repart une nouvelle fois dans le privé et dirige pendant 5 ans la Fédération bancaire française (FBF), l’organisme professionnel, qui défend les intérêts des institutions bancaires basées dans l’Hexagone. En somme, elle est l’une des cheffes du lobby bancaire.
Après un passage au Medef, elle est ensuite nommée à la tête du secrétariat général des ministères économiques et financiers en 2019 avant de finalement prendre la tête de l’Autorité des Marchés Financiers.
Un mandat plein de défis
Avant même que Marie-Anne Barbat-Layani ne prennent officiellement ses nouvelles fonctions à la tête de l’AMF, ces allers-retours entre secteur privé et public posent question… Surtout au sein des partis de gauche. Le député socialiste de la Commission des Finances Philippe Brun par exemple, twittait dès la nomination: « Lobbyiste puis régulatrice, ce mélange des genres est une nouvelle manifestation du capitalisme de connivence ! ».
Si l’attaque peut sembler prématurée pour certains, elle n’est pas surprenante pour autant. L’AMF est une autorité indépendante, chargée de surveiller les pratiques bancaires et surtout, de protéger les épargnants alors que Marie-Anne Barbat-Layani est plus expérimentée dans la protection des banques… En vue de rassurer, la remplaçante de Robert Ophèle démissionne de son mandat d’administratrice chez Dexia et se déportera de tous dossiers concernant la banque franco-belge. En ce qui concerne le Crédit Agricole, elle estime cependant que son départ en 2010 constitue un délai suffisant.
Au-delà de montrer patte blanche aux sceptiques (et en particulier aux épargnants), la première présidente de l’AMF va également devoir composer avec un contexte économique très tendu. L’inflation ne cesse d’augmenter, à l’image des taux d’intérêts alors que la croissance économique stagne. Face à la hausse des prix, la nouvelle dirigeante de l’AMF sera donc chargée d’empêcher une « augmentation excessive des frais de la part des intermédiaires financiers », ajoutant qu’il n’y a « aucune raison que leurs frais augmentent autant que les prix de l’essence ». En outre, Marie-Anne Barbat-Layani a également communiqué son désir d’encourager les femmes à investir, de promouvoir la finance durable et d’améliorer l’éducation financière des français. De sacrés chantiers en perspective donc, pour un mandat de 5 ans non-renouvelable.
Photos : doersen-zeitung.de – lesechos.com