La polémique autour des patent trolls (généralement traduit par « chasseurs de brevets » ou « trolls de brevets ») grandit. Ces entreprises, qui achètent et détiennent de nombreux brevets, ne produisent rien et vivent des revenus générés par cette propriété intellectuelle. Les patent trolls subsistent en grande partie grâce aux dommages et intérêts qui découlent de plaintes pour violation de brevets. Mais, aux USA, une nouvelle loi devrait mettre un terme à ces procédés. Suffira-t-elle à dissuader les patent trolls ?
Initialement, les patent trolls avaient été conçus dans le but d’avoir des entités spécialisées dans la gestion de brevet, permettant ainsi aux entreprises innovantes de ne pas avoir à gérer individuellement leurs brevets. Cela permettait ainsi de pouvoir diminuer les coûts et de répercuter cette économie sur le prix payé par le consommateur final.
Pourquoi une nouvelle loi ?
Si l’on ne peut pas reprocher aux patent trolls de vivre de leurs brevets, certains pointent du doigt les débordements du système. En effet, le système législatif américain accorde une grande liberté de manœuvre aux patent trolls, ce que dénoncent certaines start-ups.
Les patent trolls ne produisent rien, ils survivent grâce aux entreprises produisant des biens et créant des emplois. Les patent trolls créent pour leur part peu d’emplois et vivent grâce à leur rente que génèrent les brevets, ce sont des structures plus juridiques que productives.
Dans le but de maximiser la rente de leurs brevets, les patent trolls ont tendance à assigner en justice des entreprises de petite taille, sans réellement en spécifier la raison. Ceci est notamment permis par un système législatif laxiste sur le sujet, particulièrement aux Etats-Unis. En effet, pour porter devant les tribunaux une affaire de violation de brevet, il suffit aujourd’hui de fournir un document initial très peu détaillé, qui précise parfois superficiellement la raison de la plainte. Il devient délicat pour la société attaquée de se défendre dans ces conditions car la plainte est floue.
Enfin, les patent trolls vont à l’encontre du processus d’innovation : ils incitent les entreprises à vivre sur la rente de brevets. Parallèlement, les patent trolls peuvent menacer des entreprises réellement innovantes en brandissant l’épouvantail d’un éventuel procès. Les jeunes entreprises innovantes réfléchissent à deux fois avant de lancer un nouveau produit potentiellement litigieux. Il y a ici un véritable enjeu économique pour le gouvernement américain : comment équilibrer protection de la propriété intellectuelle et innovation ?
Les conséquences d’une nouvelle loi
Conscient des enjeux économiques liés à l’activité des patent trolls, le législateur américain élabore un projet de loi visant à réduire le potentiel de nuisance des patent trolls. Dans un contexte où les pays développés s’orientent vers une « économie de la connaissance », cette nouvelle législation en matière de propriété intellectuelle est de première importance.
Une nouvelle loi doit voir le jour aux Etats-Unis, et exigerait que la société plaignante détaille en profondeur sa plainte. Ainsi il deviendrait plus facile pour l’accusé de se défendre sur des éléments tangibles. Par ailleurs, fournir une plainte détaillée demandera plus de travail de la part des patent trolls, ce qui augmentera leurs coûts et devrait les dissuader de porter plainte sans bonne raison –n’oublions pas que la propriété intellectuelle est un véritable enjeu et que les entreprises doivent être en mesure de défendre leurs intérêts économiques si leurs brevets sont bafoués.
Autre mesure qui pourrait réduire le nombre de plaintes émises par les patent trolls : faire payer des frais de justice à la société plaignante si sa plainte est rejetée. Une telle hausse des frais permettrait surement de limiter le nombre de plaintes portées.
Une plus grande transparence
Ce projet de loi vise également à augmenter la transparence dans les procès liés aux brevets. Ainsi, l’entreprise plaignante devra révéler l’identité de toutes les entreprises ayant un intérêt financier dans le dossier. Il faudra également que la plainte soit déposée par la société-mère (une société écran ne pourra plus le faire directement).
Une meilleure protection des start-ups ?
Un autre changement de taille que la loi pourrait apporter : les sociétés devront porter plainte contre l’entreprise qui commercialise la technologie visée plutôt que contre ses utilisateurs. Aujourd’hui, certaines entreprises portent plainte contre de petites entreprises utilisant une technologie plutôt que de s’attaquer à l’entreprise qui met à disposition la technologie. Par exemple, l’entreprise Lodsys, qui se dit détentrice des brevets d’achats in-app, préfère porter plainte contre des petites entreprises utilisant cette technologie plutôt que de se tourner vers Apple. Dès lors, afin d’éviter un coûteux procès, certaines petites entreprises préfèrent s’arranger avec Lodsys et leur verser des commissions.
Avec la nouvelle loi, cette pratique cesserait. A noter toutefois que si un arrangement est signé avant un procès, le changement de loi ne pourra pas aider les petites entreprises car l’affaire n’est pas portée devant les tribunaux.
Cette loi est pour le moment un projet. Bien que de nombreux acteurs (notamment du numérique) saluent l’initiative, elle est déjà critiquée par…les patent trolls. Parallèlement, il ne faut pas perdre de vue que l’explosion du nombre de patent trolls a permis la création d’emplois pour les juristes spécialistes de la propriété intellectuelle, il y a fort à parier qu’un lobby pour préserver ces emplois va se créer.
Il reste encore de nombreux mois avant que la loi ne soit votée, et de nombreuses modifications peuvent encore être apportées, ce qui réduirait sûrement l’impact de la loi. Affaire à suivre…