Le 21 juillet 2014, la confirmation officielle d’une rumeur qui ne cessait d’enfler entérine le départ de David Azéma vers la banque américaine. Cet énarque de 53 ans, après plusieurs allers-retours entre les secteurs publics et privés, est ainsi nommé vice-président des activités européennes, africaines et moyen-orientales de l’établissement bancaire, tout en prenant la présidence de la division « Infrastructures ». Quittant ses fonctions à l’APE avec un an d’avance, son bureau sera situé à Londres, pour une prise de fonction dans le courant du mois de septembre.
Si David Azéma n’avait jusqu’à présent exercé aucune fonction dans la finance, la banque d’affaires américaine réalise par son embauche une excellente opération. Car cet énarque a très tôt été amené à se créer un vaste réseau de connaissances et d’amitiés. Rien qu’au sein de sa promotion, il côtoie Nicolas Bazire, Frédéric Oudéa, Marie-Christine Saragosse, Stéphane Richard et Florence Parly. Sa carrière professionnelle, qu’il a menée jusqu’ici à un rythme effréné, a aussi contribué à lui assurer une base relationnelle bien utile à son nouveau poste, puisqu’il sera en charge de « renforcer les relations avec certains grands clients au niveau mondial et d’initier de nouveaux contacts », selon un communiqué de presse émanant de son nouvel employeur.
Aussi puissant qu’un ministre
Engagé pour une mission de trois ans à la direction de l’agence des participations de l’État en 2012, David Azéma a géré durant deux ans un portefeuille de 656 milliards d’euros, veillant sur les actions d’Air France, EDF, GDF, Renault, ou encore Orange, pour ne citer que les sociétés cotées. Proche de François Hollande et d’Emmanuel Macron, son influence s’étendait jusqu’à Matignon, où ses avis furent écoutés avec la plus grande attention. Interlocuteur et médiateur de ministres aux personnalités antagonistes, tels qu’Arnaud Montebourg et Pierre Moscovici, qu’il connait tous deux de longue date et qu’il tutoie, il fait et défait les PDG, s’impliquant avec ferveur dans ses nouvelles fonctions. A Bercy, citadelle abritant sept ministres et siège du président de l’APE, son sens du consensus a permis de dénouer de nombreuses crises.
Déjà une longue carrière
David Azéma est un homme pressé, comme l’illustre son CV riche en références. Il débute comme auditeur à la Cour des comptes, puis rejoint le cabinet de Martine Aubry, alors ministre du Travail. En 1993, il est recruté par la SNCF comme chargé de mission, avant d’en gravir les échelons pour être nommé conseiller du président et directeur des filiales et des participations. Mais l’homme semble avoir la bougeotte, et quitte son poste en direction du Royaume-Uni, où il préside l’Intercontinental and Regional Railways Limited (ICRRL). De retour à la SNCF, on le retrouve président-directeur général d’Eurostar, fonction qu’il abandonne pour une parenthèse de six ans dans le groupe Vinci. Engagé une nouvelle fois par la Société nationale des chemins de fer en 2008, il en dirige la branche Stratégie et devient le bras droit de Guillaume Pepy en 2011. Un an plus tard, il préside le groupe Keolis, groupe privé de transport, dont la SNCF détient 70% des parts.
Renouvellement permanent
Pourtant, cet hyperactif ne peut s’empêcher de rester à l’affut dès lors que de nouvelles opportunités se présentent. Lorsqu’il décide de quitter son poste à l’APE pour remplacer Antoine Frérot à la tête de Veolia, en février 2014, l’affaire est tellement médiatisée qu’il se voit obligé d’y renoncer. Le peu de temps passé à la tête de l’Agence des participations de l’Etat, ainsi que les risques de conflits d’intérêts soulevés par le dossier SNCM, dont l’Etat détient 25% aux cotés de Veolia, risquait d’écorner l’image du haut fonctionnaire. Rongeant son frein, c’est donc en juillet que les contacts entre Bank of America et David Azéma ont abouti au recrutement de ce dernier. Lorsque les journalistes ont interrogé le nouveau banquier sur les raisons de son départ, David Azéma, volontiers provocateur, a simplement répondu : « Pour gagner de l’argent. ». Une réponse étonnante venant de celui qui n’avait pas hésité à raboter son salaire lors de sa nomination à l’APE.