En juin 2013 un rapport sur la Banque Centrale Européenne (BCE) estime probable qu’elle utilise des taux d’intérêt créditeurs négatifs. La BCE a en effet baissé ses taux depuis 2008 et la crise financière. Decrytptage.
La BCE veille à l’approvisionnement en capital des banques, elle est la banque des banques. Ainsi, les banques empruntent et déposent de l’argent auprès de la BCE. Les taux d’intérêt créditeurs sont les taux de rémunération des dépôts. Cela concerne plus centaines de milliards d’euros. Depuis juillet 2012 la facilité marginale de dépôt (le nom technique de ce taux) est autour de zéro.
Un taux d’intérêt négatif reviendrait à une taxation des dépôts bancaires par le BCE. Face à ce coût, les banques sont censées accorder plus de crédit et à des taux plus faibles, plutôt que de déposer l’argent à la BCE.
Le rôle de la BCE ?
La BCE, comme toute banque centrale, a pour mission principale la maîtrise de la hausse des prix, l’inflation. Pour ce faire, elle cible un niveau d’inflation (autour de 2% dans la zone €). Son autre mission fondamentale est la garantie de la continuité des paiements. Elle assure le bon fonctionnement du secteur financier.
Les banques accordent chaque jour des crédits et reçoivent des dépôts. Ces opérations ne sont pas nécessairement équilibrées chaque jour. Les banques constituent ainsi des réserves auprès de la BCE : des dépôts. En jouant sur le taux de dépôts, la rémunération de l’épargne des banques, la BCE peut jouer sur l’offre de crédit des banques aux particuliers.
Moins le taux de dépôt est rémunérateur, plus les banques ont intérêt à prêter aux entreprises et aux particuliers plutôt que de déposer leur argent. Ce taux de dépôt est le plancher en-dessous duquel le taux d’intérêt ne peut pas descendre. Ce taux d’intérêt est le prix que payent les banques lorsqu’elles empruntent de l’argent à la BCE. S’il est négatif, les banques « paieraient »leurs dépôts, ce qui inciterait les banques à ne pas déposer leur argent, donc à le prêter.
L’intérêt des taux créditeurs négatifs ?
Cette volonté de la BCE d’inciter les banques à prêter l’argent est une réponse à la crise du crédit depuis 2008. Les effets de la crise financière sont persistants et les banques hésitent à prêter de l’argent et notamment à se prêter de l’argent entre elles.
Or le marché interbancaire est essentiel pour les crédits aux entreprises et aux particuliers. Par ce moyen, les banques allemandes, autrichiennes, françaises ou encore néerlandaises, les plus gros déposants à la BCE, devraient prêter de l’argent aux banques des pays périphériques, à des taux d’intérêt moindres.
Les banques espagnoles, italiennes, portugaises pourraient alors plus facilement prêter aux entreprises et notamment soutenir les PME. Les PME sont les principales victimes des rationnements de crédit : lorsque l’accès à la liquidité se restreint, les banques préfèrent limiter globalement leurs prêts plutôt que sélectionner les projets.
Malgré le taux actuel nul, le marché interbancaire ralentit, la BCE pourrait donc décider de le rendre négatif. Ainsi, les banques des principales économies de la zone € feraient fructifier leur argent supplémentaire dans les pays en difficulté, qui utiliserait l’argent des crédits pour financer les PME et relancer la production économique dans des zones connaissant de sérieuses difficultés économiques.
Une solution aux problèmes qui en apporte d’autres !
Mais les taux d’intérêt négatifs sont contestés : il s’agit d’une utilisation non conventionnelle d’un moyen conventionnel d’action de la BCE.
Il existe en réalité deux taux d’intérêt : le taux d’intérêt nominal, le taux affiché, et le taux réel, corrigé de l’inflation (taux réel = taux nominal – inflation). Le taux de rémunération des dépôts réel est déjà négatif. La BCE adopterait ici un taux nominal négatif.
Ces taux soulèvent deux risques majeurs. Le premier est lié à la politique expansionniste qu’a menée la BCE. La BCE a facilité les conditions auxquelles elle prêtait de l’argent aux banques en réponse à la crise financière. Le second risque vient du taux du marché interbancaire, soit le taux auquel les banques se prêtent entre-elles. L’un des taux de référence européen est l’Euribor, une moyenne. L’Euribor suit les évolutions du taux de dépôt. Ainsi un taux d’intérêt créditeur négatif pourrait rendre l’Euribor négatif. Ceci réduirait les marges des banques. Or les marges des banques des pays en difficulté sont déjà particulièrement étroites. A l’inverse, les plus grosses banques pourraient supporter cette taxe sur leur dépôt.
Des taux négatifs ? Cet outil au potentiel particulièrement intéressant est officiellement envisagé par la BCE qui s’est déclarée « techniquement prête ». Mais il ne devra être utilisé qu’en cas de détérioration importante de l’économie de la zone € et, pour être efficaces, les taux d’intérêt créditeurs devront être significativement négatifs pour se transmettre à l’économie réelle !