Face à l’urgence du changement climatique, le monde de la finance doit s’adapter en maîtrisant les risques. Pour cela, il faut agir sans tarder malgré la crise générée par la Covid-19.
Verdir la politique monétaire. Cette expression prometteuse revient avec toujours plus d’insistance ces derniers mois dans les cercles de finance publique. Depuis l’accord de Paris sur le climat adopté par la communauté internationale fin 2015, la finance doit aussi (et surtout !) se sentir concernée par la transition écologique.
Il faut trouver 90 trillions de dollars d’ici 2030 pour assurer une transition vers un modèle économique qui réduirait drastiquement les émissions de carbone. Le financement public ne suffira pas pour atteindre cette somme, ce qui implique une participation du monde de la finance qui, comme tous sur cette planète, sera impacté par le changement climatique.
Le NGFS veut donner le ton
Pour le secteur financier, deux risques principaux se dégagent de cette transformation. Tout d’abord le risque physique, lié à la hausse de la fréquence des catastrophes naturelles qui ont un coût évident. Productivité impactée, baisse des échanges commerciaux ou encore pénuries : les risques physiques ont des conséquences directes sur le fonctionnement de l’économie.
Le deuxième risque est appelé « risque de transition » en raison des réajustements qui découlent des changements structuraux. Modifier l’appareil productif et le modèle économique comporte des coûts moins visibles mais bien réels.
L’anticipation de ces problèmes doit être au cœur des préoccupations de la finance. Pour ce faire, une réponse globale et collective doit être apportée, portée par les institutions publiques. La Banque de France (BF), par exemple, insiste sur cette notion d’unité pour affronter le changement climatique.
Très vite après la signature de l’accord de Paris, la BF et huit autres banques centrales ont été à l’initiative d’un réseau de banques centrales et superviseurs pour le verdissement de la finance. Il s’agit du Network for Greening the Financial System (NGFS). Le réseau comprend près d’une cinquantaine de membres venus des cinq continents en plus du FMI. Le NGFS donne le ton en publiant des recommandations (analyse de risques climatiques, reporting, données de régulation, etc.) car l’idée de ce regroupement est de partager les savoir-faire et les initiatives en matière de financement vert tout en adoptant une vision commune.
La BCE veut agir sans tarder
Début juillet 2020, c’est au tour de la Banque centrale européenne (BCE) de se positionner pour indiquer qu’elle explore toutes les voies possibles pour une finance verte : « toutes les opérations » de la BCE peuvent être verdies. La présidente de l’institution, Christine Lagarde, souhaite par exemple verdir les rachats d’obligations publiques et privées et donc les transformer en « green bonds ». Ces obligations vertes sont des instruments financiers à revenu fixe proposés comme l’un des moyens de financer la transition énergétique. Les 2.600 milliards d’euros prêtés par la BCE pour soutenir l’économie pourraient ainsi basculer en obligations devant respecter des critères environnementaux.
Pour Christine Lagarde, pas question de repousser les initiatives en faveur de l’environnement à cause de la crise de la Covid-19 : le changement doit démarrer tout de suite, malgré la crise économique provoquée par la pandémie.
L’idée de finance verte a dans un premier temps effrayé le secteur de la finance, influencé par des rapports ou des analystes qui mettaient en garde les investisseurs mais depuis, d’importants groupes se sont positionnés comme la banque Morgan Stanley. Un rapport qu’elle a publié en 2019 démontre que les investissements verts n’étaient pas inférieurs aux autres. Cette étude vise à rassurer les investisseurs et à les convaincre de se tourner vers la transition écologique tout en les assurer qu’ils vont conserver les mêmes rendements.
Au-delà de cet aspect de rentabilité, l’enjeu principal est de démontrer aux investisseurs que les risques climatiques peuvent heurter ces rendements de plein fouet. Verdir la finance s’avère donc indispensable pour redonner une stabilité à une économie en proie à de plus en plus d’incertitudes.
Photos : twitter.com – commodafrica.com – unitar.org