Banque nationale de Paris (BNP) vs Société générale ! La rivalité entre deux des plus grandes banques françaises a éclaté au grand jour à la fin du XXe siècle, au mois de mars 1999 exactement. Depuis, ces deux concurrents se détestent et s’épient, au point qu’il existerait même chez l’une et chez l’autre des réunions de direction au cours desquelles l’objet serait la stratégie de la rivale.
Retour vingt-et-un ans en arrière, le 1er février 1999. Ce jour-là, la Société générale lance une opération publique d’échange (OPE) sur la banque Paribas dont les dirigeants espèrent conclure la fusion dans les deux mois à venir. Avec cette fusion, la Société générale Paribas deviendrait la plus grosse banque de France, la quatrième au niveau mondial. Sauf qu’un mois plus tard, après de longues réunions nocturnes tenues secrètes loin de Paris pour ne pas éveiller les soupçons, la BNP décide aussi de se positionner en formulant une double OPE : une sur Paribas et une sur sa rivale, la Société générale. La guerre est déclarée !
Une guerre de communication
La SG réagit en attaquant en justice la BNP afin de contester la légalité de la procédure. Et deux jours avant la décision de justice, la SG place une seconde contre-attaque : elle augmente son offre sur Paribas. Pendant plusieurs semaines, chacun sort son chéquier et les sommes qui sont annoncées sont vertigineuses, obligeant le gouvernement à intervenir. Peine perdue, la tentative de conciliation échoue et les deux banques mettent le paquet pour faire plier la rivale.
Intox, coups bas, moyens de communication décuplés : l’une et l’autre misent sur une publicité acharnée à la télévision et dans les journaux. La BNP attaque personnellement la compétence de Daniel Bouton, le PDG de la SG qui se défend en déplorant les conséquences sociales qu’une fusion aurait sur l’entreprise. La SG affiche une unité de façade en amorçant « l’association contre le raid de la BNP » mais pendant ce temps cinq de ses cadres fustigent dans une tribune la gestion de Daniel Bouton.
C’est finalement la BNP qui emporte la mise en acquérant Paribas mais sans pour autant pouvoir absorber la Société générale, qui ne perd pas trop gros dans l’histoire. Huit ans plus tard, en 2008, la SG défraie de nouveau la chronique avec l’affaire Kerviel qui nuit grandement à son image. Douze ans après, elle semble toujours traîner cette affaire comme un boulet et, selon les tendances de ces derniers mois, elle serait désormais un brin en retard sur BNP Paribas.
Quand la SG conseille de revendre le titre BNP…
Aujourd’hui, BNP Paribas affiche une plus grande stabilité. Ces derniers mois, les deux banques ont tourné leur regard vers l’Allemagne. Ainsi BNP Paribas a acquis le service de courtage de la Deutsche Bank avec un objectif de rentabilité de 400 millions d’euros par exercice complet. Dans le même temps, la SG s’est emparée de l’activité Equity Market and Commodities de la Commerzbank. Deux opérations aux conséquences variées : quand la BNP devrait effectivement peser beaucoup plus lourd sur la scène internationale, la SG ne renforcerait que sa division Retail.
Confrontée l’une et l’autre au ralentissement économique de la zone euro et à un environnement de taux d’intérêts très bas, elles ont anticipé depuis un an de plus grosses pertes que prévues. Et là encore, la rivalité parle : la SG devrait être la plus impactée avec un plan d’économies supérieur à BNP (la SG abaisse ses objectifs de rendements en fonds propres pour 2020 de 11,5 % à moins de 10 % tandis que la BNP les recule de 10 à 9,5 %). Cela n’empêche pas les dirigeants de la Société générale de dévoiler en septembre 2019 une étude très fouillée qui recommande à ses clients détenteurs de titres BNP Paribas de les vendre car ils devraient perdre 15 % de leur valeur.
Une suggestion qui fait sourire la direction de la BNP qui s’appuie sur des chiffres éloquents : en 2018, la BNP a gagné 7,5 milliards d’euros quand sa rivale s’est « contentée » de 3,9 milliards. Entre les deux, une guerre froide s’est bel et bien installée depuis vingt ans. Difficile alors de s’imaginer qu’avant le fameux mois de mars 1999, les dirigeants des deux banques avaient envisagé informellement de rapprocher les deux entités.
Sources des photos : latribune.fr / lesechos.com