Le rapport annuel du Banking on Climate Chaos vient d’être divulgué. Et il ne fait pas une bonne publicité pour la France en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ce rapport effectué par sept ONG est publié tous les ans depuis l’accord de Paris sur le climat en 2015. Le but de la démarche est de voir quels engagements et quelles orientations prennent les établissements bancaires pour sortir d’une économie carbonée au profit d’énergies renouvelables.
Et la tendance ne semble pas encore être au changement en France. Le dernier rapport publié en mars 2022 montre que la France est en effet le plus gros financeur des énergies fossiles en 2021 dans l’Union européenne, ce qui était déjà le cas en 2020. À l’échelle mondiale, le pays se tient au cinquième rang. Au total, ce sont 350 milliards de dollars qui ont été versés par les banques françaises aux projets soutenant les énergies fossiles depuis 2016. Pour illustrer un peu plus ces chiffres peu flatteurs pour les banques françaises, notons que 130 milliards ont été alloués aux 100 entreprises qui développent le plus de projets incluant des énergies fossiles.
Le Crédit Mutuel et La Banque Postale, seuls bons élèves
Les six banques françaises notées par le rapport sont le Crédit Mutuel, le Crédit Agricole, la Banque Postale, BNP Paribas, la Société Générale et BPCE-Natixis (comprenant notamment la Banque Populaire et la Caisse d’Epargne). Parmi ces banques, le Crédit Mutuel et la Banque Postale font figure de « bons élèves » et ne sont pas épinglées comme les autres par le rapport de Banking on Climate Chaos.
En effet, les deux banques citées ont réussi à exclure de leurs projets ces derniers mois toutes les entreprises appartenant à la Global Oil & Gas exit list, soit 887 entreprises dans le monde qui sont assimilées aux entreprises les plus polluantes. De même en matière d’investissements charbon, le Crédit Mutuel et la Banque Postale ont drastiquement réduit leur soutien dans cette direction.
La « dirty dozen »
Au contraire de ces deux exemples cités, BNP Paribas fait partie de la « dirty dozen », traduit par la « sale douzaine ». Cette appellation peu flatteuse regroupe les douze pires banques au monde en matière d’écologie depuis 2016 et les accords de Paris. Chez BNP Paribas, 141,61 milliards de dollars ont été investis en énergies fossiles au cours des six dernières années. Elle serait même la banque la plus active pour soutenir les projets en Arctique et les projets offshore.
Les autres banques sont aussi épinglées à travers quelques chiffres-clé : ainsi, le Crédit Agricole soutient fortement le géant russe Gazprom avec 1 milliard de dollars de financements attribués entre 2016 et 2021 ; la Société Générale a alloué 6 milliards de dollars aux entreprises les plus actives en matière de pétrole et de gaz de schiste depuis cinq ans (dont 1 milliard en 2021) ; BPCE-Natixis est la seule banque de France à avoir augmenté son soutien en direction des énergies fossiles au cours de l’année précédente.
Les banques évoquent des « chiffres fantaisistes »
Bien entendu, les réactions de la part des banques incriminées ne se sont pas fait attendre. La fédération française bancaire a qualifié ces chiffres de « fantaisistes », soulignant qu’il n’existe pas « d’addiction aux hydrocarbures de la part des banques françaises ». Le communiqué de la fédération veut laisser transparaître une double ambition un peu bancale : les banques souhaitent prendre le virage de la défense de l’environnement tout en se refusant d’abandonner l’économie carbonée.
C’est aussi cette attitude que veut pointer du doigt le rapport de Banking on Climate Chaos : une ambivalence qui laisse planer le flou sur une situation pourtant urgente, comme en témoignent les dérives après la guerre en Ukraine et le dernier rapport du GIEC. Les ONG présentes dans le rapport sont aussi critiques envers l’inaction des pouvoirs publics français qui ne prennent pas de décision forte pour endiguer cette spirale polluante.
À l’échelle mondiale, la situation est tout aussi alarmante : depuis l’accord de Paris sur le climat, ce sont 4 582 milliards de dollars qui ont été alloués par les soixante plus grosses banques aux projets soutenant les énergies fossiles.
Photos : reclaimfinance.org