Aux Etats-Unis, à la fin des années 2000, apparaît un blog qui connaît vite un franc succès et suscite bien des émules. Son créateur, un certain Mr. Money Mustache, Peter Adeney de son vrai nom, y explique comment il serait possible de s’affranchir de son travail dès la trentaine. Abandonner toute servitude liée à la vie professionnelle, se focaliser sur des valeurs alternatives à la société de consommation, tout en générant assez de revenus passifs pour vivre convenablement : sans aucun doute, la recette de Peter Adeney s’avère séduisante. La méthode se montre-t-elle viable, comment vivent ses disciples et une telle alternative est-elle possible en France ?
La règle des 4 %, mantra du succès
Si la formule proposée par les tenants du FIRE séduit autant de candidats, c’est qu’elle se montre d’une simplicité déconcertante : engranger le maximum d’argent grâce à un salaire le plus élevé possible, retenir, en fonction de ses gains, une certaine somme mensuelle et l’investir dès que possible en Bourse ou dans l’immobilier. Une fois qu’un capital suffisant est constitué, les revenus générés par ses intérêts permettent de vivre, certes frugalement, mais en se passant d’exercer toute activité rémunérée.
Si l’idée est attrayante, elle nécessite néanmoins plusieurs conditions pour être mise en pratique. En premier lieu, il s’agit de bénéficier d’un salaire suffisamment important pour pouvoir à la fois vivre et se constituer une épargne, l’idéal étant de mettre chaque mois de côté plus de 50 % de sa rémunération. Une fois que le candidat à la retraite anticipée dispose de la somme nécessaire, qui se calcule en quelques clics sur le site de Mr. Money Mustache, des placements judicieux devraient lui permettre de dégager des intérêts moyens de 4 % qui seront suffisants pour le faire vivre sans écorner le capital investi. Dès lors, la retraite n’est plus subordonnée à l’âge, mais à une somme d’argent nécessaire pour vivre de ses rentes.
L’indépendance financière, mais à quel prix ?
Pour parvenir rapidement à une telle indépendance, les sympathisants du concept FIRE, baptisés « frugalistes » en Allemagne, n’hésitent à faire de nombreux sacrifices. Sur ce point, le mouvement emprunte parfois autant à la philosophie qu’à la finance. La possession d’une voiture y est le plus souvent proscrite, au bénéfice de l’usage du vélo, plus propre et surtout beaucoup plus économique. Autre poste de dépense sur lequel il leur faudra rogner : le logement, ainsi que tous les frais qui y ont trait.
Les partisans de la retraite anticipée sont aussi souvent des adeptes du Do It Yourself, courant de pensée qui préconise le « fait maison ». Cuisine, bricolage, couture, chaque dollar ou euro épargné rapproche le candidat du jour où il pourra enfin parvenir à son but d’indépendance financière. Très ancrée à travers tous les blogs défendant le principe du FIRE, cette méfiance vis-à-vis de la société de consommation, voire son rejet, constitue un surprenant paradoxe, puisque c’est l’usage du capitalisme, de ses placements et de ses taux d’intérêt qui permettent cette mise à l’écart.
A la frugalité extrême s’ajoute une autre difficulté : comment occuper son temps une fois parvenu au but ultime ? Les cas d’isolement social, de désœuvrement et de dépressions ne sont pas rares auprès de celles et ceux qui n’auraient omis de se constituer un projet de vie solide et sain. Enfin, dernier écueil : le regard, parfois lourd à supporter, de ceux qui continuent à travailler, qui ne comprennent pas que l’on puisse ainsi se mettre en retrait et que l’on cesse de cotiser pour l’ensemble de la société.
Un succès grandissant
Depuis la création de son blog, le succès de Mr. Money Mustache ne se dément pas. Invité régulièrement par la presse, la radio et la télévision, ce quadragénaire fringuant, excentrique et charismatique a fait de nombreux émules. The Green Swan, Mr. Tako ou encore Vicki Robin sont devenus les nouvelles idoles de millennials en quête d’un mode de vie alternatif.
Particulièrement implanté en Amérique du Nord, le mouvement fait depuis quelques années tache d’huile en Allemagne, où blogs et livres qui lui sont consacrés fleurissent. Le fait est que la recette, pour nombre de ses thuriféraires, fonctionne, même s’il leur faut pour cela sacrifier à un mode de vie le plus souvent ascétique. En France, les lois présidant à la retraite restreignent néanmoins les possibilités de recourir au système FIRE. Impossible, dans l’Hexagone, de sortir volontairement du régime de retraite par répartition avant l’échéance fixée, le plus souvent après avoir atteint l’âge de 62 ans. Si le pari ne semble pas impossible, il est en tout cas largement moins aisé à appliquer dans nos contrées qu’en Amérique du Nord.