Basée sur les principes de la loi islamique (charia), la finance islamique connaît une croissance importante depuis plusieurs décennies. La croissance des activités de ce secteur, à première vue singulier dans le monde de la finance, est plus importante que celle de la finance conventionnelle. La finance islamique a notamment connu un nouvel élan suite à la crise financière des subprimes, à laquelle elle a mieux résisté. Comment expliquer ce succès ?
Grands principes de la finance islamique
Loin d’être réservée aux seuls acteurs économiques du monde musulman, la finance islamique s’appuie sur des principes éthiques qui dépassent le simple cadre de l’islam. La plupart de ces principes, comme l’interdiction générale de l’usure, sont en effet des principes éthiques universels, que l’’on retrouve aussi dans la religion catholique.
La finance islamique repose ainsi sur plusieurs principes religieux fondamentaux que sont l’interdiction de l’usure (un terme assimilé au sens large à la notion d’intérêt), de l’incertitude et de la spéculation. À ces interdictions s’ajoute celle du financement d’activités jugées contraires à la religion (alcool, viande de porc, pornographie….). Les principes d’interdiction vont de pair avec certains principes d’obligations, comme celui du partage des profits et des pertes (principe de responsabilité), ou encore l’obligation de soutenir des projets d’investissement dans l’économie réelle – pendant de l’interdiction de spéculer. Cette dernière obligation a naturellement contribué à orienter la finance islamique vers le soutien aux grands projets d’investissements, notamment dans le secteur immobilier.
C’est grâce à ce lien fort avec l’économie réelle, ce souci de créer des emplois et de contribuer au développement des pays dans lesquels les projets d’investissements sont menés que le secteur a mieux résisté à la crise des subprimes.
Un système en forte croissance
La finance islamique est apparue et s’est développée à partir des années 1970, à Dubaï, faisant progressivement concurrence à la finance traditionnelle. La disponibilité de liquidités importantes dans les monarchies pétrolières, ajoutée aux liens entre pouvoirs politiques et religieux dans cette région du globe, a grandement contribué au succès et au développement des activités des établissements pratiquant la finance islamique.
Depuis lors, les activités financières dans ce secteur ont connu une croissance soutenue et ininterrompue. D’après les chiffres du FMI et de la Banque Mondiale, le secteur a connu une progression moyenne de 16% par an depuis le début des années 2000 et représente aujourd’hui plus de 2.000 milliards de dollars. Actuellement, on estime que 40 millions de musulmans (1,6 milliards de musulmans dans le monde) sont clients de la finance islamique. Toutefois, ce marché représente moins de 2% des avoirs totaux des banques, évalués à 140.000 milliards. En Iran, au Pakistan et au Soudan, seule la finance islamique est autorisée. Ce secteur représente 53% des parts de marché du secteur en Arabie Saoudite, 24% au Qatar, 20% en Malaisie, 17% aux Emirats, 4, 6% en Indonésie et 5% en Turquie.
Selon des projections d’experts, le secteur devrait encore doubler le volume de ces activités d’ici 2020, et ainsi dépasser les 4000 milliards de dollars.
Le secteur a connu une réelle accélération de sa croissance au tournant des années 2000, avec l’arrivée dans ce secteur de jeunes banquiers formés dans les pays du Golfe et dans les meilleures universités d’Europe. Très bon exemple de cette formation pluriculturelle et de cette réussite professionnelle, Esam Janahi (voir biographie ci-dessous) : ce spécialiste du secteur qui s’est vu attribué le prix du banquier islamique de l’année 2003, a également reçu le prix de l’excellence pour sa contribution au développement de la finance islamique à l’occasion du Forum International de Finance Islamique en 2006.
Le besoin de régulations de la finance islamique
Sans tomber dans une vision trop complaisante et naïve de la finance islamique, la plupart de ses leaders contribuent volontairement et de façon importante à la croissance des pays émergents. Une volonté saluée et reconnue au-delà des frontières des pays du Golfe, en témoigne par exemple l’attribution d’un doctorat honoraire à Esam Janahi par la Geneva School of Diplomacy and International Relations, pour sa contribution aux réflexions sur cette question.
Dans un récent rapport publié en avril, le FMI met en avant le potentiel de la finance islamique dans l’économie mondiale, notamment pour le soutien qu’elle pourrait apporter aux petites et moyennes entreprises, et en matière d’investissement dans les infrastructures publiques. Selon l’institution financière internationale, le fait qu’elle interdise la spéculation tout en prônant un système de partage des risques laisse suggérer qu’elle représente des risques moins importants que la finance conventionnelle. Elle pourrait ainsi promouvoir la stabilité sur le plan macroéconomique et financier.
Dans le même temps, le FMI souligne la nécessité de mieux réguler le secteur, qui souffre de risques propres. Selon le FMI, il y a un « besoin de davantage d’harmonisation et de clarté dans la régulation, d’une plus grande coopération entre les personnes chargées d’établir les normes dans la finance islamique et conventionnelle, et d’une amélioration des outils pour une supervision effective ».
Esam Janahi pionnier de la finance islamique
Après des études à la University of Petroleum and Minerals d’Arabie Saoudite et à l’université de Hull au Royaume-Uni, Esam Janahi entame sa carrière professionnelle comme auditeur chez Arthur Anderson (1988-1989) avant de devenir consultant financier auprès de Merill Lynch (1989-1992). Il a ensuite occupé divers postes de direction stratégique et opérationnelle au sein de diverses banques où il a pu développer son expertise de la finance islamique. Très rapidement reconnu par ses pairs pour ses compétences pointues en la matière, Esam Janahi a occupé des fonctions de Directeur et de membre du comité exécutif entre 1997 et 1999 au sein de la First Islamic Investment Bank (Arcapita) au Bahrein,
Dans les années 2000, Esam Janahi entame sa carrière de créateur et de dirigeant d’entreprise. Il met sur place diverses sociétés d’investissement spécialisées dans les projets d’infrastructures ayant des objectifs de développement dans la région du Golfe, au Moyen-Orient et en Asie.