La démission du ministre de l’Écologie motivée, entre autres, par la présence de Thierry Coste au cours d’une réunion avec le président de la République, a mis au grand jour l’influence des lobbyistes auprès des politiques. Mais elle n’est pas nouvelle et depuis un peu plus d’un siècle, de nombreux industriels et financiers gravitent autour des acteurs politiques afin de les influencer. Premier Français à être reconnu en tant que lobbyiste professionnel, Robert Pinot avait vite compris l’importance et le bénéfice d’exercer une influence sur les décideurs.
Né en 1862 en région parisienne, dans une famille de Lorrains, Robert Pinot fait ses études à l’école des mines de Paris, dont il sort diplômé en droit et en sciences politiques. Il commence sa carrière au ministère des Finances puis, en 1889, il devient avocat à la cour d’appel de Paris. En 1899, il intègre le monde de l’industrie en étant nommé secrétaire de la Chambre syndical des fabricants et constructeurs de matériels pour chemins de fer et pour tramways.
Sous son impulsion se fondent des organisations patronales (les ancêtres du MEDEF) afin de regrouper des patrons pourtant concurrents mais qui voient d’un bon œil l’idée d’encadrer cette compétition. Les unions patronales servent surtout dans un premier temps à faire face aux organisations syndicales ouvrières qui poussent à la grève.
Dans ce contexte, Il est à l’initiative de la création de l’Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) alors qu’il est secrétaire général et vice-président du Comité des forges. Une union dont Robert Pinot devient le premier président.
Robert Pinot et l’UIMM : la professionnalisation de l’influence
L’UIMM devient rapidement un interlocuteur de poids et son influence, à travers ses stratégies sociales, marquent le vingtième siècle (et est d’ailleurs toujours une branche forte du MEDEF aujourd’hui). Pendant ses mandats, Robert Pinot va s’évertuer à représenter les patrons et s’immiscer dans le quotidien de la vie politique sans pour autant être un politicien. Il montre la voie pour influencer en coulisse et milite pour que les organisations patronales ne se contentent pas simplement de lutter contre les syndicats ouvriers.
Fiscalité, tarifs de chemins de fer ou d’électricité, législation sociale… il étend le champ d’influence des grands patrons métallurgistes aux actions sociales ou économiques et non plus seulement aux domaines spécifiques des intérêts corporatistes. Il comprend l’enjeu de la presse à grand tirage pour faire véhiculer les idées patronales et diviser les ouvriers. Robert Pinot crée ainsi un journal représentant les syndicats patronaux, le Bulletin quotidien du comité des forges, dans le but d’exercer une influence indirecte.
Les prémices d’un lobbyisme à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui
Un patronat fort et organisé, une presse appartenant à de grands industriels, des influenceurs en coulisse… On assiste aux prémices d’une configuration à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. Un siècle plus tard, ce système de lobbyisme s’est verrouillé et professionnalisé et crée une certaine confusion lorsque l’on se demande qui détient le véritable pouvoir. La démission de Nicolas Hulot l’a rappelé à tout le monde.