Depuis quelques années, la Chine sort de son statut d’usine du monde. Elle est devenue en peu de temps un paradis de consommation, mais surtout un marché à conquérir pour tout entreprise ambitieuse. Le pays s’est enrichi, et malgré la persistance de grands écarts de richesse, il voit émerger une classe moyenne de plus en plus importante, et surtout de plus en plus consommatrice. Les achats en ligne sont un des vecteurs qui boostent cette consommation. Ce mode de vente est particulièrement bien adapté à la configuration de la clientèle chinoise, avide de nouveauté et de technologie. Les entreprises étrangères pourraient voir dans la vente en ligne une autoroute pour accéder au tant convoité marché chinois. Mais attention, pour pénétrer dans le monde du e-commerce chinois, mieux vaut en connaître les codes.
Dix fois plus de cyber-clients qu’en France
En 2014, on comptait en Chine près de 332 millions de cyberacheteurs, soit presque dix fois plus qu’en France. Autant dire que le marché du e-commerce chinois est énorme. Et il ne cesse de progresser : l’institut eMarketer l’évalue en 2016 à 450 millions. Les transactions d’achats en ligne représentaient en 2014 près de 1700 milliards d’euros. Et le e-commerce ne concerne pas que les nouveaux riches. En 2013, on estime que 70% des urbains dont le revenu mensuel était inferieur à 575 euros achetaient en ligne.
Le M-commerce, c’est à dire le fait de consulter un site marchand et d’acheter en ligne à partir son mobile (et donc depuis n’importe où) explique en partie l’explosion du e-commerce chinois. Si la tendance semble émerger sur toute la planète, c’est en Chine qu’elle s’exprime le plus rapidement. 520 millions de chinois ont accès à Internet via leur mobile et près de la moitié d’entre eux effectuent déjà des achats via ce canal.
Le e-commerce : une nécessité géographique en Chine
En plus de surfer sur la digitalisation du peuple chinois, la pratique du e-commerce est particulièrement adaptée au gigantisme du pays.
Avec une superficie de 9.597.000 km2, environ 1,4 milliards d’habitants et une centaine de villes de plus d’un million d’habitants, pas facile pour les entreprises d’être présentes partout avec une variété satisfaisante de produits.
Le e-commerce a donc vite été un moyen pour les entreprises chinoises mais aussi étrangères de répondre facilement aux besoins des populations en dehors de Shanghai et Pékin. Pour cela, elles ont pu s’appuyer sur un réseau intérieur logistique très performant et abordable : en moyenne, le coût logistique d’un colis s’élève à deux euros.
Un environnement singulier
Mais tout n’est pas si facile pour les entreprises étrangères tentées par l’aventure du e-commerce chinois. En premier lieu, contrairement aux autres marchés américains ou européens, il est très difficile de vendre sur son propre site, même si celui-ci et parfaitement traduit en mandarin, adapté à la culture locale et bien référencé sur le « Google chinois », Baidu: la majorité des transactions s’effectue plutôt sur les grandes places de marché généralistes telles que TaoBao, TMall (ces deux premières appartenant au groupe Alibaba), JD.com… ou verticales telles que Miya (produits d’enfants), Jumei (produits de beauté), sans oublier les sites de ventes flash comme vip.com, à l’image du site vente-privée.com
Ces plateformes sont donc essentiellement chinoises : le géant américain Amazon est un nain en Chine, avec 1,3% du marché du e-commerce chinois. Les moyens de paiement aussi. Oubliez les traditionnels Visa et PayPal. La Chine a ses propres moyens de paiement en ligne. La carte de paiement largement utilisée sur les sites marchands est UnionPay. Le géant Alibaba a même créé sa propre plate-forme de paiement, Alipay, également très développée.
Pour les achats groupés aussi, la Chine a développé ses propres plateformes (sur le même modèle que Groupon), sur lesquelles les vendeurs doivent savoir se positionner. Les trois principales enseignes du secteur, Meituan, Nuomi et Lashou concentrent plus de la moitié de leur activité sur le secteur de la restauration.
Communiquer selon les codes culturels de la région
Autre difficulté de taille : il est très difficile pour les entreprises occidentales de communiquer sur leur produit ou de maîtriser leur image auprès des cyber-consommateurs chinois, très informés et très exigeants et méfiants, traumatisés par les scandales alimentaires et les faux en tout genre.
La langue est bien évidemment la première des barrières, d’autant plus que la clientèle chinoise est une grande adepte du shopping social, c’est à dire l’utilisation des réseaux sociaux pour se laisser tenter à acheter en ligne. Les commentaires et le dialogue avec le client sur les forums constituent un moyen important pour susciter l’achat.
Il faut donc être présent sur les réseaux sociaux, mais encore faut-il savoir lesquels. Facebook étant bloqué sur la majeure partie du territoire chinois, il faudra plutôt compter sur des plateformes comme WeChat ou Weibo.
Le développement du e-commerce transfrontalier: un atout pour la France ?
Depuis quelques années se développent les sites de e-commerce transfrontaliers ou sites de « cross border shopping », source d’intérêt pour les entreprises et les marques étrangères qui souhaitent exporter en Chine sans pour autant nécessairement s’y implanter et se soumettre à une réglementation complexe (licences, étiquetage… ). Ouvrant le premier la voie à ces flux transfrontaliers vers la Chine, le site ymatou.com a été fondé en 2009; celui-ci ne propose à ses clients de Chine que des produits importés, à origine garantie, et possède sa propre logistique mondiale. Représentant des flux importants depuis quelques années (certains experts les évaluent à 4 milliards de dollars en 2015), initialisés d’abord à partir des Etats-Unis, de l’Australie et du Japon, ces sites commencent à voir leur activité décoller en Europe. En France, se sont essentiellement les sites JD.com, ymatou.com ou Tmall International qui font la course en tête. Pour bien utiliser ces nouveaux canaux (droits d’entrée, logistique, règles douanières) et s’affranchir des difficultés de langue, des sociétés comme Ouxi Solutions, ou F2C E-Solutions se sont créées pour accompagner les candidats à l’exportation.
A noter que l’administration chinoise, en limitant les taxes et en simplifiant les conditions douanières, a délibérément choisi d’organiser et de favoriser ces flux, qui permettent de conserver une partie de la valeur ajoutée en Chine par rapport à des achats faits entièrement à l’étranger.