Face à l’ardente volonté du gouvernement français de taxer rapidement les GAFA, ces dernières font appel aux meilleurs cabinets juridiques mondiaux pour tenter de s’immiscer dans les failles juridiques que contiendraient les projets de taxation.
La France ne veut plus patienter. Alors que la perspective d’un projet de loi commun en Europe concernant la taxation spéciale des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ne parvient pas à déboucher sur une mesure concrète, le gouvernement français vient de soumettre à l’Assemblée nationale son idée pour une taxe sur les géants du web. Depuis le lundi 8 avril, les députés planchent sur l’idée d’instaurer cette taxe qui, selon le ministère de l’Economie, pourrait rapporter 400 millions d’euros de recettes fiscales dès 2019 et plus de 650 millions à partir de 2022.
Le gouvernement américain s’en mêle
La taxe concernerait une trentaine d’entreprises en France. Bercy souhaite en effet imposer les sociétés dégageant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le monde et plus de 25 millions d’euros en France. L’idée, pour limiter l’évasion fiscale légale, serait de taxer à hauteur de 3 % les revenus issus de la publicité en ligne, les profits dégagés par la revente de données personnelles et commerciales et les recettes obtenues par la mise en relation entre professionnels. Bercy précise que cette taxe est temporaire et sera annulée au profit d’une taxe commune dès lors qu’un accord international sera trouvé.
En attendant, les GAFA ne restent pas les bras croisés face à cette menace. Un lobbying important se structure afin de convaincre les différents gouvernements de ne pas mettre en œuvre ce type de fiscalité. Par exemple, le chef de la diplomatie des Etats-Unis, Mike Pompeo, a exhorté la France a abandonné son projet de taxe qui aurait, selon lui « un impact négatif sur les géants américains de la technologie et sur les citoyens français qui utilisent leurs services ». Les Etats-Unis ont aussi indiqué qu’ils souhaitaient saisir l’OMC face à ces projets de taxe jugés « discriminatoires ». Une sortie qui n’a pas manqué d’agacer son homologue français Jean-Yves Le Drian qui a rappelé aux Etats-Unis la souveraineté de la France et sa liberté à légiférer en toute indépendance.
Deux leaders mondiaux du conseil juridique
Sur le volet juridique, les GAFA ont les moyens de se payer les meilleurs spécialistes afin de déceler des failles dans les tentatives de législation du gouvernement français. Deux cabinets défendent les géants du web face à Bercy. Baker Mc Kenzie, fondé en 1949 à Chicago, emploie plus de 4.700 avocats provenant d’une soixantaine de pays différents. Il s’agit d’un véritable empire de conseil juridique qui pèse 2,89 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2018.
Le cabinet est dirigé entre 1999 et 2005 par la Française Christine Lagarde, future ministre de l’économie et des finances en France. C’est d’ailleurs sous la présidence de l’actuelle directrice du FMI que les recettes explosent avec plus de 50% d’augmentation du chiffre d’affaires. Implanté depuis plus de cinquante-cinq ans à Paris, le cabinet américain fait preuve d’influence en France et s’engage par exemple dans l’art contemporain à l’image de son soutien lors de la première rétrospective complète des œuvres de Roy Lichtenstein pour fêter les 50 ans de présence du cabinet dans la capitale.
Le second conseil dépêché par les GAFA est Taj, l’entité française du groupe britannique Deloitte depuis 2003. Il est un des leaders du conseil fiscal et juridique international, appartenant au Big Four, ces quatre grands de la comptabilité mondiale et de l’audit. Taj Deloitte procède depuis sa création à une série de fusions et d’acquisitions en France avec BDO Marque et Gendrot, Constantin Associés, Infineo ou encore HSC. Le cabinet Deloitte est aussi bien connu pour être souvent cité dans les affaires d’évasion ou d’optimisation fiscale de ces dernières années.
Ces poids lourds au service des GAFA ne devraient pas tarder à activer des leviers juridiques dans les prochaines semaines afin de tenter de contourner la nouvelle loi prévue par Bercy. Entre lobbying d’état, débats moraux et batailles juridiques, la première charge amorcée par la France sur les GAFA ne va pas manquer de pimenter l’actualité économique et fiscale des prochains mois.