Durant quinze mois, les murs de la célèbre banque d’affaires new-yorkaise ont été le théâtre d’une lutte sans merci pour le pouvoir, attisée par le départ annoncé de son directeur Lloyd Blankfein. Des deux candidats en lice, David Solomon a réussi à s’imposer face à son rival Harvey Schwarz et prendra les rênes du 200 West Street dès le 1er octobre. Personnage haut en couleurs, David Solomon réussira-t-il le pari de la diversification entamé par Goldman Sachs ?
35 années de carrière à Wall Street
Il fréquente Wall Street depuis le milieu des années 1980 et connaît tous les secrets des grands établissements financiers. Ce New-Yorkais dans l’âme, qui est né dans cette ville, y a grandi, y a effectué ses études et y a travaillé toute sa vie, a fait ses classes chez Irving Trust, Drexel Burnham et, surtout, Bear Stearns, prestigieuse banque d’investissements où il s’illustre dans la vente de « junk bonds ».
En 1999, il prend la direction du service « investissements bancaires » de Goldman Sachs et se distingue par ses capacités d’écoute envers ses clients et son équipe. Lorsqu’en 2016, le directeur général Lloyd Blankfein laisse entrevoir un éventuel départ, David Solomon est pressenti comme l’un de ses successeurs probables, au coude à coude avec Harvey Schwarz. Ce n’est qu’en mars dernier que le conseil d’administration a tranché en faveur de M. Salomon, sa nomination ayant été entérinée le 17 juillet.
Banquier, mais aussi DJ
La personnalité de David Solomon tranche avec le monde feutré de la banque d’affaires. En 2007, pour soutenir l’introduction en Bourse de l’équipementier sportif Lululemon, il se rend à une réunion vêtu d’une veste et d’un pantalon de survêtement de la marque. Plus récemment, ce bon vivant, qui prend la majorité de ses repas au restaurant, a fait l’objet d’un long reportage diffusé sur Bloomberg TV, où il dévoile avec force arguments les meilleures tables de New-York. Sa passion pour les grands crus a quant à elle défrayé la chronique lorsque son assistant personnel lui a dérobé pour plus d’un million de dollars de vins fins, essentiellement des bouteilles de Romanée-Conti.
Mais c’est par sa pratique de la musique que David Solomon se distingue de ses confrères, le banquier se transformant la nuit tombée en DJ au talent reconnu. DJ D-Sol, puisque tel est son nom de scène, se produit régulièrement dans des clubs et pour des festivals à New-York, Miami et aux Bahamas. Son premier single paru en juin, un remix du « Don’t Stop » de Fleetwood Mac, a été écouté 1,2 millions de fois sur Spotify, et son compte Instagram est suivi par plus de 15.000 personnes. Lucide, le principal intéressé « ne sait pas si voir un président de Goldman Sachs mixer des morceaux va changer la perception du secteur bancaire ».
Eviter les fausses notes
L’homme qui s’apprête à occuper l’un des postes les plus influents de la finance mondiale devra relever de nombreux défis au sein d’une banque dont le visage a profondément changé au cours de la dernière décennie. Mise en cause pour son rôle dans la crise de 2008, confrontée à la métamorphose des secteurs bancaire et financier, privée d’une partie de ses revenus par une récente réforme fiscale, Goldman Sachs a perdu l’an dernier sa place de numéro 1 au profit de son éternelle rivale Morgan Stanley.
Depuis l’année dernière, l’établissement tente de se diversifier en se recentrant sur des activités bancaires plus classiques, David Solomon ayant été l’un des principaux acteurs de cette mutation. Sa présidence devrait aussi être marquée par une refonte de la culture d’entreprise, laissant présager plus de souplesse au niveau des horaires et des codes vestimentaires, une modernisation du système informatique et, surtout, la ferme intention d’accorder plus de postes aux femmes, largement sous représentées dans le monde de la banque. Une transition nécessaire pour célébrer sereinement le 150e anniversaire de Goldman Sachs, qui sera fêté en 2019.