Relocalisations, changements de réglementation, taxes… Le Brexit, qui a été reporté au 30 juin 2019 par les députés britanniques, a déjà commencé à impacter le paysage de la finance mondiale à travers des transformations inéluctables du modèle européen.
Le Brexit n’est pas encore officiellement mis en place mais il provoque déjà de gros remous. Le Parlement britannique a rejeté le 12 mars pour la seconde fois l’accord de sortie de l’Union européenne négocié par leur Premier ministre Theresa May. Deux jours plus tard, le même parlement a voté le report du début effectif du Brexit qui n’aura donc pas lieu le 29 mars comme attendu. Un délai de trois mois au nom d’un report « technique » qui décalerait la prise d’effet de la sortie de l’UE du Royaume-Uni au 30 juin 2019.
Quoi qu’il en soit en termes de calendriers, la finance sera impactée de plein fouet par le Brexit et l’avenir ne dépendra pas des conditions de sortie négociées par le Royaume-Uni pour une raison très simple : le marché unique, répondant à une réglementation et un juge uniques, permet la circulation fluide des biens, des valeurs, des travailleurs et des citoyens européens. Avec le Brexit, les sujets de la reine Elizabeth et les entreprises domiciliées sur son territoire le quittent. Or, comme la finance dépend de ce marché unique et non de l’union douanière, les conséquences seront inéluctables.
Des délocalisations en masse
Du côté des banques installées depuis de longues années à la City, la majorité ont déjà entamé leurs manœuvres de délocalisations. Si elles espèrent encore un Brexit avec accord, elles considèrent l’avenir en misant sur le scénario d’un « no-deal », c’est-à-dire une sortie de l’UE sans accord. Chaque grande structure anticipe des plans autour de ses filiales présentes dans les autres pays européens. Bank of America, par exemple, a déjà amorcé son repli sur le continent afin de ne pas être évincé du marché unique le jour où le Brexit sera effectif. Un départ que la banque américaine considère « sans retour ».
La finance européenne ne sera plus concentrée sur Londres, ce qui va provoquer une multi-polarisation en fonction des activités et des points forts de chaque place financière déjà existante. Ainsi Paris pourrait concentrer les activités liées au trading de produits dérivés et Luxembourg serait la référence pour la gestion d’actifs. Ces deux villes ainsi que Dublin, Francfort et Amsterdam sont attendues pour faire partie des cinq places fortes de la finance européenne, à l’image de ce qu’il se fait aux Etats-Unis avec une répartition des affaires entre Chicago, New-York et Boston. Des villes comme Milan, Madrid ou Bruxelles espèrent profiter de cette période de changements pour développer leur attractivité et concentrer une part des activités financières européennes.
La réglementation comme enjeu principal
Toutes ces délocalisations n’occultent pas l’enjeu principal qui est le volet réglementaire. Aujourd’hui, la situation est apaisée par la signature d’accords entre régulateurs britanniques et européens. Mais quelle orientation prendra Londres en matière de régulation de la finance ? La supervision européenne n’impliquera plus le Royaume-Uni qui pourrait passer outre certains points forts de l’UE comme la taxation des transactions financières ou l’encadrement des bonus.
Déjà, il est acquis que les banques ou sociétés de gestion britanniques seront considérées comme appartenant à un pays tiers. Les produits, titres ou placements proposés par ces sociétés ne seront plus éligibles en Europe. Les particuliers doivent être très vigilants dans les semaines à venir. Il leur est conseillé de surveiller l’inflation, la fluctuation de la valeur monétaire britannique et de la gestion des taux par la banque d’Angleterre dont le gouverneur, Mark Carney, évoque une période de « brouillard ».
En attendant l’entrée en vigueur du Brexit, les valeurs boursières se stabilisent même si nombreux sont les actionnaires qui souhaitent vendre leurs parts dans des sociétés britanniques, comme pour se prémunir d’une mauvaise nouvelle. Le flou et l’incertitude sont donc les deux tendances qui se dégagent de cette transformation progressive du paysage financier européen.