La transition énergétique, ainsi que la diversification des sources de production ont profondément modifié le secteur de l’énergie au cours des dernières décennies. Les accords internationaux tels que le Grenelle de l’environnement en 2007 et, en 2015, la Cop21 ont permis d’accélérer dans de nombreux pays le déploiement d’éoliennes, de panneaux solaires ou de centrales biomasses.
Mais ces productions décentralisées et aux rendements irréguliers nécessitent de revoir complètement un mode de gestion devenu désuet. C’est là qu’entre en jeu le Smart grid, capable, grâce aux technologies de l’information, de coordonner tous les acteurs de la production électrique et de mettre en communication fournisseurs et consommateurs.
Il devient ainsi possible d’optimiser au plus haut niveau la production, la distribution et le stockage de l’énergie, le tout en temps réel. Les gains sont multiples : la production est maitrisée, la sécurité du réseau est renforcée, les coûts sont réduits, tout comme les émissions de gaz à effet de serre.
Indispensable à la Troisième Révolution industrielle
Imaginons un futur plus ou moins proche où la transition énergétique aurait été menée avec succès. La majorité des bâtiments neufs sont autosuffisants dans leur production d’énergie, et même excédentaires. Des panneaux photovoltaïques sont installés sur tous les toits, des éoliennes sont édifiées sur les mers et dans les campagnes, et les véhicules électriques sont devenus majoritaires. L’exploitation des énergies fossiles et du nucléaire a peu à peu cédé la place à des sources nettement ayant moins d’impacts sur l’environnement.
Un tel projet, bien qu’il soit extrêmement ambitieux, n’est nullement utopique : il est même nécessaire devant l’appauvrissement inéluctable des ressources utilisées actuellement. Cette transition constitue, pour l’universitaire Jeremy Rifkin, la base d’une troisième révolution industrielle, axée sur la convergence entre les nouvelles technologies et les énergies renouvelables.
Dans ce contexte, les Smart grid constituent un pilier indispensable afin de réguler ces sources d’énergie décentralisées. Chaque foyer, chaque bâtiment sera équipé de compteurs « intelligents » permettant de gérer la répartition d’une énergie régulée par de puissants systèmes d’information. Des milliards d’euros seraient ainsi économisés, tout en réduisant les rejets de gaz à effet de serre.
Un enjeu économique de premier plan
Par la complexité des moyens mis en œuvre, la création d’un Smart grid nécessite la mobilisation de nombreux acteurs économiques. Les entreprises concernées, start-up, groupes de télécoms, sociétés informatiques et fournisseurs d’électricité sont sollicités, entrainant la création de milliers d’emplois. En France, 118 projets liés au Smart grid sont en cours de développement, les plus importants se situant en région PACA, dans les Hauts-de-France ainsi qu’en Bretagne.
Les Etats-Unis et le Japon se sont eux aussi montrés particulièrement volontaristes dans la mise en place de Smart grids, prouvant que le concept est non seulement réalisable, mais aussi parfaitement viable et fonctionnel. Si les investissements représentent des sommes très élevées, l’amortissement à moyen terme est désormais acquis, de par les économies effectuées dans un secteur où les coûts se chiffrent en milliards.
Une vision contestée
Les Smart grids sont donc en train de s’implanter dans les pays industrialisés, seuls à même, pour le moment, de financer un tel projet. L’Union européenne a d’ailleurs pleinement souscrit à la vision de Jeremy Rifkin, et s’est engagée à apporter son soutien financier aux pays membres désirant effectuer leur transition énergétique. Pourtant, quelques voix discordantes se font entendre. En ce qui concerne les compteurs intelligents, en premier lieu.
Comment assurer une confidentialité optimale des informations récoltées ? Et le simple fait d’analyser en temps réel les habitudes d’un foyer ou d’une entreprise ne constitue-t-il pas une entorse à la vie privée ou au secret industriel ? Enfin, le concept même d’une troisième révolution industrielle est contesté par certains intellectuels, comme le démontre une tribune publiée par le journal Libération en 2014. Selon eux, la vision de Jeremy Rifkin ne pourra conduire qu’à une impasse, le chercheur ne tenant pas compte des ressources nécessaires à la construction d’ordinateurs et de serveurs extrêmement gourmands en métaux rares. Pire, ce chemin ne pourrait mener qu’à nous conforter dans une illusion, celle d’une société toujours plus énergivore qui refuserait de se remettre en cause.
Pour l’heure, la mise en place d’un Smart grid est loin de constituer une révolution, mais a toutefois le mérite de contribuer à une meilleure gestion de l’énergie. Ce qui constitue déjà un grand pas.