La crise financière de 2008 a mis en lumière la notion de « shadow banking » ou finance de l’ombre. En 2014, ce système bancaire parallèle pesait 80 000 milliards de dollars, ce qui représente 60% des actifs du secteur traditionnel. Le shadow banking connait une forte croissance (+10% entre 2013 et 2014), due en parti au développement économique des pays émergeants tel que la Chine. Mais que signifie réellement ce terme quelque peut inquiétant aux sonorités complotistes ? Quels sont les enjeux derrières le développement de ce système ? Après la crise des subprimes, des leçons ont-elles été tirées pour réguler le shadow banking et éviter un nouvel effondrement ?
Il est difficile de donner une définition simple et concise du shadow banking. En effet, dessiner les contours de ce système est mission quasi-impossible puisque cela change d’un pays à l’autre en fonction des lois et de la définition même du système bancaire dans telle ou telle nation. Ainsi, le shadow banking n’aura pas exactement la même signification aux Etats-Unis, en France ou en Chine. Le Conseil de stabilité financière, organisme créé par le G20 en 2009, a bien tenté de donner une définition, à savoir que toutes les activités de crédit réalisées en dehors du système bancaire traditionnel font partie du shadow banking, mais cela reste très vague.
Fonction bancaire traditionnelle en dehors du système
Pour avoir une définition un peu plus claire, il faut se tourner vers Ben Bernanke, ancien président de la Réserve fédérale américaine. En avril 2012, il expliquait que « le shadow banking, comme défini habituellement, comprend un ensemble d’institutions et de marchés qui, collectivement, exercent des fonctions bancaires traditionnelles, mais le font en dehors ou d’une manière faiblement lié au système traditionnel des institutions de dépôt réglementées. La finance de l’ombre est notamment composée de : véhicules de titrisation, papier commercial adossés à des actifs (PCAA), fonds communs de placement, marchés pour les accords de rachat, sociétés de prêts hypothécaires ».
Si le système du shadow banking est très pratique et peut s’avérer très efficace, il est aussi beaucoup plus risqué car généralement, les structures pratiquant la finance de l’ombre ont peu de capitaux propre et ont recourt à un levier (dettes /capitaux propres). Ainsi, la crise des subprimes aux Etats-Unis qui a démarré en 2007 et a eu pour conséquence la crise économique et financière mondiale de 2008, a été provoquée par des opérations financières issues du shadow banking. En effet, les prêts immobiliers hypothécaires ont connu un krach fin 2006 aux Etats-Unis et les emprunteurs n’étaient alors plus en mesure de rembourser. En raison des règles comptables de l’époque et de l’absence de filet de sécurité dans ce système de l’ombre, il n’était alors plus possible que de donner une valeur proche de zéro aux titres en question, provoquant une réaction en chaine sur les marchés, conduisant à la crise économique mondiale dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui.
Le shadow banking : 35% du PIB des pays émergeants
Malgré les risques évidents liés à ces pratiques, le shadow banking ne cesse de progresser, ce qui inquiète la plupart des institutions financières mondiales dont le FMI. En 2014 le shadow banking pèse 80 000 milliards de dollars contre 135 000 milliards de dollars pour le système traditionnel et l’écart se réduit d’année en année. De nombreux observateur s’inquiètent aussi de la croissance exponentielle du shadow banking dans les pays émergeants : en 2012, la finance de l’ombre représentait déjà plus de 35% du PIB des pays émergeant contre 6% en 2002, ce qui représente en 2014 un marché de 7 000 milliards de dollars qui circulent sans aucune régulation.
Tentatives de régulation
Il y a bien eu des tentatives de régulation de ce système : en 2013 la Commission européenne proposait de mettre en place des règles contraignantes pour les acheteurs, imposer une réserve de fonds propres et développer les règles de transparence. Mais ces mesures sont restées pour le moment à l’état de simple intention. Il faut noter à ce sujet que le durcissement des règles du système bancaire traditionnel suite à la crise de 2008 a justement favorisé une expansion du shadow banking. Le FMI explique que bon nombre d’acteurs du système financier cherchent à contourner les nouvelles régulations pour être ainsi moins surveillés à travers des opérations plus complexes. Si cela leur permet sans aucun doute d’augmenter substantiellement leurs gains dans un certain nombre de transaction, il est évident que les risques sont eux aussi multipliés.
L’un des principaux risques que fait encourir le shadow banking à l’économie traditionnelle apparait quand les acteurs de ce système sont également impliqués dans le système bancaire classique. Le risque systémique apparait alors avec les conséquences potentielles qu’on lui connait. Plusieurs organismes supranationaux (FMI, Commission européenne, G20) ont tous par le passé fait part de leurs craintes dans le développement du shadow banking. Pourtant, à l’heure actuelle, aucune mesure concrète n’a été prise pour limiter ces risques. Il faudra attendre mars 2016 et la publication d’un rapport du Conseil de stabilité financière pour connaitre quelles seraient les mesures à prendre. En attendant, les risques liés au shadow banking grossissent en même temps que cette économie parallèle.