Alors que le marché chinois de l’automobile est devenu en 2013, le numéro 1 mondial, PSA et Renault en ont fait le théâtre d’un nouveau conflit. Les deux constructeurs s’y retrouvent en opposition frontale. Une situation qui ne manque pas d’inquiéter les experts au moment où le marché européen connait une forte crise.
PSA et Renault seraient-ils entrés en guerre ? A en croire les stratégies récentes des deux groupes, on serait tenté de le croire. La Chine, nouvel eldorado de l’industrie automobile, est le théâtre de ce nouveau conflit. Les deux constructeurs tentent de s’y implanter durablement. Cependant, pour consolider leur position, ils ont choisi un même et unique partenaire : Dongfeng, numéro deux de l’automobile chinoise.
Une croissance de 33% pour PSA
Le Lundi 16 décembre 2013, Renault officialisait un accord de co-entreprise avec Dongfeng. La nouvelle structure, appelée Dongfeng Renault Automotive, va construire des véhicules Renault pour le marché chinois. L’accord qui représente un investissement commun de près de 930 millions d’euros, prévoit la construction d’une usine sur le site de Wuhan.
Wuhan où se trouvent justement les trois usines que Dongfeng et PSA détiennent en commun. Si Renault a tardé à se lancer sur le marché chinois, PSA y est présent depuis prés de 30 ans. En 1984, Citroën est même l’un des premiers constructeurs occidentaux à s’y implanter pour vendre sa CX. Suivra une alliance avec Second Automobile Works, futur Dongfeng. Ce n’est qu’en 2004 que Peugeot va commercialiser ses premiers modèles via DPCA, Dongfeng Peugeot Citroën Automobiles. Depuis l’alliance entre les deux constructeurs n’a cessé de s’élargir. En juillet 2013, Peugeot annonçait la mise en service de sa troisième usine chinoise. La capacité de production de DPCA devrait atteindre 600 000 véhicules par an en 2014. Le marché chinois constitue même une bouffée d’oxygène pour le constructeur français qui a annoncé des pertes record en 2013. Les ventes de PSA en Chine ont connu une croissance exceptionnelle au premier semestre 2013 avec 277 000 unités vendues, soit 33% de plus qu’à la même période en 2012. L’association entre PSA et Dongfeng devrait même prendre un nouveau visage avec une prise de participation du constructeur chinois dans le capital de son allié français. A cette fin, PSA pourrait procéder à une augmentation de capital d’une valeur de 2,5 à 3 milliards d’euros en 2014.
Renault quasi inexistant en Chine
On se demande alors, quelle mouche a bien pu piquer Renault pour aller choisir comme partenaire de son développement, l’allié privilégié de son grand concurrent. Pour Renault, la Chine était devenue une obligation. Seul grand constructeur international à ne pas produire en Chine, la marque au losange se devait de s’y implanter rapidement. Aujourd’hui Renault est une marque quasi inconnue des consommateurs de l’empire du milieu. Avec 30 000 véhicules vendus en 2013 – des Koleos fabriquées en Corée du Sud -, Renault fait figure de lilliputien sur un marché qui représente 20 millions de voitures vendues chaque année. La Chine est devenue en 2013, le premier marché mondial de l’automobile.
Pour s’attaquer au marché chinois Renault va fort logiquement faire appel à son puissant allié, Nissan. Or Nissan possède en Chine trois centres de production avec comme partenaire local … Dongfeng. La boucle est bouclée. Voilà comment le deuxième constructeur chinois, fondé en son temps par Mao, se retrouve avec en main, une part de l’avenir de l’industrie automobile française.
Vers un rapprochement PSA/Renault
Aujourd’hui, les analystes s’interrogent sur la viabilité de telles alliances. Les deux groupes français sont en effet des rivaux historiques. Cette rivalité s’est encore exacerbée ces derniers temps avec la nomination à la tête de PSA de l’ancien numéro deux de Renault. Carlos Tavares, évincé de la direction de la marque au losange en août dernier, va prendre ses fonctions à la direction de PSA, début 2014. On voit mal comment les deux marques pourraient accepter de faire ménage à trois en Chine.
Le quotidien économique japonais Nikkei a fait sa une en décembre sur cette guerre franco-française. « Le conflit sans foi ni loi entre les deux constructeurs français est engagé » était-il écrit dans ce journal référence des milieux d’affaires nippons. Les analystes s’interrogent sur le rôle joué par Dongfeng. S’agit-il d’une stratégie pour faire monter les enchères ? Le constructeur chinois s’apprête-t-il à renverser ses alliances, en abandonnant PSA avec lequel la collaboration n’a pas apporté les résultats escomptés. On sait que Renault est en avance sur le développement des voitures électriques ; or le marché chinois des voitures propres est appelé à une forte croissance. La Chine est confrontée à des problèmes insolubles de pollution.
Enfin, certains experts se demandent si ce conflit ne va pas ouvrir la porte à un rapprochement entre PSA et Renault. La France est effet le dernier pays européen à posséder deux grands groupes automobile généralistes. Cette alliance, véritable serpent de mer de l’industrie française, s’est toujours heurtée à de fortes oppositions, aussi bien stratégiques, que politiques. La Chine réussira-t-elle, là où des générations de patrons français ont échoué ? Nul doute, en tous cas, que l’automobile française est train de vivre l’un de ses grands bouleversements.