Coronavirus, remise en question de l’Union européenne, injustices et dysfonctionnements imputés à la mondialisation: le libre-échange qui a dominé les politiques économiques internationales ces dernières décennies est battu en brèche, crise après crise. Il est temps pour beaucoup de revenir à plus de patriotisme économique, mais comment et à quel prix?
En partie contenu par la coexistence des blocs américain et soviétique jusqu’à la fin des années 80, le libéralisme économique et la mondialisation des échanges ont explosé depuis 30 ans. Ce modèle est régulièrement remis en cause, que ce soit pour des raisons éthiques, environnementales, idéologiques ou pour son incapacité effective à protéger les populations et à améliorer le sort du plus grand nombre.
Des alternatives crédibles peinent cependant à s’imposer. La thèse d’un retour à plus de patriotisme économique est ainsi de plus en plus souvent évoquée pour tempérer les excès et défaillances d’une mondialisation exacerbée.
L’internationalisation à l’excès sur la sellette
L’éventail des situations problématiques générées par l’internationalisation poussée des économies est pour le moins fourni. La généralisation de la surconsommation qui s’amplifie sans cesse, et les distances parcourues par la masse gigantesque de produits en circulation sur terre, sont un désastre pour l’environnement. Le développement du niveau de vie de marchés géants comme la Chine et l’Inde entre autres intensifie par millions chaque année la masse de population ayant accès à une consommation toujours plus poussée de viande, de smartphones, de voitures…
Les délocalisations industrielles vers des pays aux coûts salariaux inférieurs furent douloureuses pour la plupart des pays occidentaux avec des centaines de fermetures d’usines et l’apparition d’un chômage structurel coûteux et socialement éprouvant.
La crise du coronavirus a montré que cette polarisation extrême des moyens de productions a rendu de nombreuses économies particulièrement vulnérables aux pandémies, les plongeant dans des situations de ruptures de stocks dangereuses.
L’arrêt brusque des échanges a mis dans le rouge un grand nombre d’entreprises, devenues autant de proies alléchantes pour les investisseurs étrangers. La multiplication possible de ce type de crise sanitaire met en évidence une fragilité cruelle de quantité d’économies nationales.
Les réponses apportées par le patriotisme économique
Face à ces nouveaux enjeux, le retour à des systèmes orientés de façon moins unilatérale vers l’extérieur trouve de plus en plus de défenseurs. Autrefois circonscrit à des courants de pensée radicaux, la défiance vis à vis de l’internationalisation à tout crin a gagné des partisans auprès de mouvements plus modérés, ayant historiquement plutôt favorisés et structurés le libre échangisme.
La crise du Covid-19 a à son tour fait peser les arguments du patriotisme économique auprès de la classe politique française. Lesdits arguments sont de plusieurs ordres. D’un point de vue environnemental tout d’abord, une meilleure rationalisation géographique de la production permettrait d’éviter « qu’un kilo de farine acheté dans un supermarché français n’ait fait trois fois le tour de la planète avant d’arriver sur les étalages ».
Le recentrage sur une agriculture et une industrie plus locales répondrait à ce type d’excès. Une relocalisation de la production, outre le fait qu’elle génèrerait de l’emploi, permettrait d’atténuer la dépendance des nations envers l’étranger en termes d’approvisionnement et de conserver une activité intérieure en période de fermeture des frontières. Un contrôle accru des capitaux provenant de l’étranger enfin est régulièrement évoqué et a récemment été mis en place par le gouvernement français.
Une mise en place difficile sans concertation internationale
De telles actions, pour intéressantes qu’elles soient, ne peuvent s’imposer sans se heurter à certaines réalités. La notion de patriotisme économique pour commencer s’apparente concrètement à du protectionnisme, lequel est forcément bilatéral. Si une nation entend protéger son économie vis à vis de l’extérieur, elle doit s’attendre à subir exactement le même traitement vis à vis de ses produits à l’étranger. Or, les exportations représentent plus de 20 % du PIB pour un pays comme la France et une perte de compétitivité sur les marchés internationaux peut être très dangereuse.
Il en va de même pour le contrôle des investissements, qui doit s’effectuer par un exercice d’équilibrisme difficile. Il s’agit de protéger l’économie nationale sans pour autant faire fuir des capitaux dont nos pays surendettés ont éperdument besoin. Une relocalisation de la production nécessite quant à elle de l’équipement, de la main d’œuvre et du savoir-faire qui ne sont plus nécessairement accessibles dans les pays désindustrialisés.
La rentabilité de l’opération serait en outre extrêmement compliquée, le coût du travail y demeurant fortement supérieur et rendant toute compétitivité de tels produits illusoire sans de faramineuses subventions. Des organisations nous alertent également signalant que les premiers pénalisés par un tel mouvement seraient les fermiers et travailleurs déjà sous-payés des pays en voie de développement.
Un pays agissant isolément dans ce sens ferait montre d’un comportement suicidaire, et si un adoucissement de l’internationalisation des échanges répondrait indéniablement à certains problèmes cruciaux, il ne serait pas efficace sans un minimum d’harmonisation internationale au niveau salarial et fiscal.
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