Il y a 40 ans, le premier choc pétrolier, considéré comme le plus grand événement après le crash de Wall Street de 1929, animait la scène internationale. Retour sur cet épisode qui, par ses décisions économiques et géostratégiques, a marqué la fin de la prospérité suprême des pays occidentaux en bloquant leurs économies.
1971 : La fin des Trente Glorieuses et le pic pétrolier
A la fin des années 60, la prospérité des pays occidentaux est à son apogée. Les pays industrialisés, qui viennent de connaître trois décennies de croissance tous azimuts, atteignent une maturité industrielle qui a un effet non négligeable sur leurs besoins en pétrole. Les Etats-Unis, alors premier producteur, atteignent leur « pic pétrolier ».
Bien que les Américains disposent de leurs propres ressources en pétrole, les besoins sont si importants qu’ils dépendent des pays du Moyen-Orient producteurs de pétrole, tout comme les Européens, dont les deux tiers de l’énergie sont importés de cette région du globe.
Les événements qui s’annoncent semblent marquer la fin du long essor des économies occidentales, d’autant plus que les pays membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) sont bien conscients du rôle croissant du pétrole et de la dépendance des pays industrialisés.
Par ailleurs, selon beaucoup d’économistes, le choc pétrolier de 1971 est aussi la conséquence directe de la fin du système monétaire de Bretton Woods, qui permettait de convertir le dollar en or, offrant un taux de change fixe. Suite à cette décision de Nixon, les pays de l’OPEP, qui voient leurs revenus baisser considérablement à cause des taux de change flottants et de la dépréciation du dollar, décident de réajuster les prix du baril en fonction des cours de l’or.
L’OPEP passe à l’attaque pendant la guerre du Kippour
Le mois d’octobre 1973 est rythmé par des événements et décisions à la fois d’ordre géostratégique, militaire, et économique. En guerre depuis le 6 octobre –fête du Yom Kippour chez les Juifs-, humiliés militairement, les pays producteurs de pétrole décident de prendre des mesures dans le but de sanctionner les pays pro-israéliens, et notamment les Etats-Unis qui ont apporté leur soutien militaire aux Israéliens. L’attaque égypto-syrienne avait pour but la reconquête de territoires conquis par Israël : la péninsule du Sinaï et le plateau du Golan.
En réponse, réunis au Koweit, les 16 et 17 octobre 1973, les ministres des pays arabes exportateurs de pétrole ; Algérie, Lybie, Arabie Saoudite, Emirats, Koweït et Irak, décident de réduire chaque mois de 5% leur production pétrolière jusqu’à la libération des territoires occupés par Israël. En l’espace de 24h, le prix du baril du pétrole passe de 3 à 5,12$. Il atteindra même 11,65$ en décembre. Ils annoncent également un embargo complet envers les Etats-Unis et les Pays-Bas notamment, qui durera près de 5 mois.
Ce rééquilibrage entre importateurs et exportateurs fait cependant parfois oublier un troisième acteur : les compagnies pétrolières. Le rôle et l’intérêt de ces dernières dans cette inversion de rapport de force économique et l’augmentation du prix du pétrole restent flous. Selon des économistes, l’augmentation du prix du pétrole était nécessaire à Exxon, Mobil ou Shell pour investir davantage et pallier à la demande croissante.
Ralentissement de l’économie et recherche d’alternatives énergétiques
Les conséquences sont irrémédiables, le choc pétrolier bloque les économies occidentales pour plusieurs années. Il provoque un ralentissement de l’activité économique : la croissance s’effondre et le chômage augmente. Si les consommateurs s’habituent à l’augmentation du prix de l’essence, après s’être affolés un temps, ils sont davantage préoccupés par le phénomène de la stagflation, phénomène nouveau : les prix s’emballent malgré une stagnation de la croissance.
L’année 1974 marque aussi une remise en cause de cette dépendance énergétique. Le choc pétrolier et la hausse du prix de l’ « or noir » poussent les pays consommateurs à réaliser des économies d’énergie, et a recherché d’autres sources d’énergie. Depuis, la France notamment, est devenue moins dépendante au pétrole en développant l’énergie nucléaire, considérée davantage comme une alternative énergétique que comme une réelle solution.
A l’heure où se pose la question de la transition énergétique, nous pouvons déplorer le fait que le capitalisme financier oblige souvent à trouver une solution dans l’urgence. D’autant plus que les besoins énergétiques mondiaux ne cesseront de croître alors qu’en parallèle, les ressources s’épuisent progressivement. Espérons que cette transition énergétique, autant nécessaire que souhaitable, se réalise rapidement !