Le gouvernement Poutine vient d’annoncer un investissement de près de 60 millions de dollars américains en 2014, consacré au développement de différents centres d’innovation technologiques. L’objectif de ces dépenses astronomiques est de créer une Silicon Valley à la Russe, et d’endiguer la fuite des cerveaux scientifiques.
Parmi les bénéficiaires de cet investissement, la région de Moscou se verra allouer 10 millions de dollars destinés au chantier de Skolkovo, celle de Svedlovsk en recevra 22 millions, celle de Penza (région de la Volga) 22 millions, quant à la région voisine de Mordovie, elle devrait bénéficier d’une enveloppe budgétaire de 11 millions de dollars. Immenses, voir démesurés, ces projets aspirent à construire de véritables villes du futur là où n’existent aujourd’hui que des champs à perte de vue en lisière d’un faubourg de Moscou.
L’objectif, pourtant, est des plus classiques : favoriser la rencontre entre recherche et esprit d’entreprise pour déboucher sur la création de produits commercialisables. Il s’agit de combler le fossé qui existe actuellement en Russie entre la connaissance académique et les besoins économiques. En découle un projet titanesque qui peine à dissimuler la crise de la science russe.
11 clusters spécialisés
Selon le site spécialisé East-West Digital News, le gouvernement russe a pour objectif d’ici 2014 est de créer dans tout le pays onze domaines (clusters) spécialisées dans plusieurs secteurs des nouvelles technologies.
L’objectif est d’accueillir sur 300 000 mètres carrés pas moins de 800 startups et entreprises technologiques, qui permettraient de générer 20 000 nouveaux emplois. Par ailleurs, les experts estiment les retombées économiques à travers le pays aux alentours d’un milliard de dollars, à condition que tout se déroule comme prévu.
Les promoteurs de Skolkovo ont décidé de se concentrer sur les technologies de l’information, l’efficacité énergétique, l’espace, le nucléaire et le biomédical. Chacun de ces secteurs est dirigé par une petite équipe mixte – composée de Russes et d’étrangers – qui reçoit les projets des entreprises, les examine, avant de les approuver ou non. Les candidats qui seront retenus n’auront pas à payer de taxes tant que durera leur activité.
Endiguer la fuite des cerveaux
En Russie, même dans les domaines de la science de pointe, les services secrets continuent de multiplier les obstacles et participent à un climat désagréable qui encourage la fuite des cerveaux. «L’an dernier, nous avons décerné un prix à un savant étranger, mais, au départ, il n’a pas pu franchir la porte d’entrée pour venir le chercher. Il a fallu appeler en haut lieu pour régler la question» explique Andreï Rostovtsev.
Le physicien nucléaire pourrait raconter bien d’autres anecdotes, mais il préfère résumer les maux de la science russe : bureaucratie, financements impossibles, vieillissement des professeurs, nominations politiques à la tête d’instituts scientifiques… Rien d’étonnant, dès lors, si certains chercheurs se laissent attirer par de nouveaux horizons, et si la Russie scientifique se retrouve aujourd’hui à la traine.
Au nombre d’articles scientifiques publiés, la Russie se retrouve aujourd’hui derrière la Chine et même l’Inde. «Je ne crois pas, ajoute Rostovtsev à propos du chantier de Skolkovo, que la solution soit de créer une oasis dans un désert. » Pour le chercheur, ce projet démontre surtout la volonté des politiques de favoriser les projets commercialisables, en oubliant complètement la recherche fondamentale. Mais quelle qu’en soit la véritable raison, les investissements de la Russie dans ses technoparcs sont plus que jamais d’actualité.