Le 9 décembre a eu lieu la journée internationale contre la corruption. L’occasion de faire le point sur ce fléau qui gangrène à l’échelle planétaire le monde politique mais aussi l’économie, la santé, ou encore l’environnement.
Définie comme un abus de pouvoir ou de confiance à des fins personnelles, la corruption peut prendre de nombreuses formes à différents niveaux. A une échelle très locale, il peut s’agir par exemple de la rétribution d’un agent de police pour éviter un contrôle, d’un cadeau fait à un professeur dans l’espoir de réussir un examen, du prêt de son appartement à la montagne à son supérieur hiérarchique pour lui donner l’idée de vous donner une promotion.
La corruption agit partout et à tous les niveaux
La corruption peut s’exercer dans tous les domaines. Dans le monde médical, il peut par exemple s’agir de favoriser un patient en attente d’une greffe lorsqu’un organe est disponible. En sport, elle peut être un moyen de camoufler du dopage. Dans les affaires, elle peut venir troubler la compétition entre entreprises dans des appels d’offre. Dans le domaine pharmaceutique, les faveurs faites aux médecins peuvent les inciter à prescrire certains médicaments plutôt que d’autres.
Mais la corruption peut également intervenir à très haut niveau et avoir des répercussions considérables. Ainsi, les dernières accusations de corruption généralisée qui ébranlent la FIFA remettent en cause l’attribution même de la Coupe du monde 2022 au Qatar.
Pour certains, les rétro-commissions sur la vente de sous-marins au Pakistan qui auraient servi au financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur seraient directement à l’origine de l’attentat de Karachi qui fit quatorze morts en 2002.
Souvent vue comme un problème lointain, la corruption est présente dans le monde entier, à tous les niveaux, et nous fait parfois courir des risques inconsidérés.
La corruption gangrène les Etats instables
Chaque année, l’organisation Transparency International, dont le but est de lutter contre la corruption, établit un palmarès mondial des Etats les plus touchés par ce problème. Sans surprise, les pays les plus corrompus sont ceux dont la stabilité politique est la plus précaire. Ainsi, pour l’année 2014 la Somalie occupe la place de plus mauvais élève, suivie par la Corée du Nord, le Soudan, l’Afghanistan, le Sud-Soudan et l’Irak. La Lybie et la Syrie font également partie du bas du classement.
Cette corruption peut être un frein à la paix dans nombre de régions. Elle est souvent une conséquence de l’instabilité politique mais elle peut aussi en être une cause. En Syrie et en Irak par exemple, le financement de l’Etat islamique est largement facilité par les largesses de certaines autorités, notamment turques. En effet, les trafics d’œuvres d’art, de pétrole, de gaz, de phosphate ou d’êtres humains, normalement contrôlés et réprimés, sont monnaie courante autour de la frontière turco-syrienne, et sont à la base du financement du groupe terroriste qui n’a jamais été aussi riche.
L’ennemi de la démocratie
Contrairement aux idées reçues, la corruption n’est pas un phénomène réservé aux pays « non-démocratiques ». Même en laissant au peuple le choix de ses dirigeants, l’argent et l’influence restent les clés du pouvoir et laissent la place à certaines dérives.
De l’achat de voix par la rétribution de votes par procuration (comme cela est monnaie courante à échelle locale dans certains pays) aux financements suspects de campagnes électorales, en passant par l’influence des riches lobbies bruxellois ou de la connivence de certains médias, la corruption est un frein au processus démocratique. Les intérêts privés et financiers se substituent aux intérêts de la population sans que celle-ci ne s’en rende compte dans la majorité des cas.
L’Europe des lobbies : une forme insidieuse de corruption
Le concept de corruption est en fait plus large que le simple achat de voix, de marchés publics ou de postes et touche de manière insidieuse tous les pays du monde. Ainsi, malgré les bons scores accordés aux pays européens (dont sept des dix premiers pays sont issus, le Danemark en tête), Transparency International met en garde sur la corruption à l’échelle européenne. Dans sa ligne de mire, les lobbies. Ces dernières années, des industries puissantes comme le tabac, l’industrie pharmaceutique ou encore le pétrole et le gaz ont investi les lieux de décisions européens à l’aide d’une armée de lobbyistes, commanditant des études, organisant des conférences ou de fastueux repas. Ils seraient à Bruxelles environ 30.000, selon le Corporate Europe Observatory, c’est à dire autant que le nombre de personnes travaillant dans les institutions européennes. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs d’anciens législateurs à la retraite ou en reconversion, prêts à utiliser leurs réseaux d’influences à des fins purement lucratives. C’est là la définition même de la corruption : l’abus de pouvoir ou de confiance à des fins personnelles.
La corruption est un frein économique
Le coût de la corruption est très difficile à évaluer, du fait du caractère illégal et caché de ces pratiques. Mais il est certain que la corruption a des conséquences négatives sur l’économie et la répartition des richesses. Et toutes ces influences ont un effet néfaste sur l’économie. Les marchés publics ne sont plus remportés par l’entreprise la plus compétente ou la moins chère, mais par celle qui saurait satisfaire au mieux les besoins des décideurs.
Dans le secteur public comme dans le privé, la corruption est un frein à la compétitivité des entreprises. Les décisions ne sont pas toujours prises de manière rationnelle, mais peuvent être motivées par des intérêts privés extérieurs aux besoins de l’organisation.
Certains postes clés dans des entreprises ou des administrations ne sont pas occupés par les personnes les plus qualifiées. La corruption est un frein à l’ascenseur social que nos sociétés occidentales ont tant vanté.
La corruption pollue
Les questions écologiques et climatiques sont étroitement liées aux problématiques économiques, politiques, et aux intérêts particuliers de certaines personnes ou entreprises.
De l’extraction très contestée de gaz de schiste en Amérique du Nord à la suprématie du diesel en France, en passant par l’expansion mondiale des semences OGM de Monsanto, beaucoup d’écologistes crient au scandale et aux conflits d’intérêt. Dans les faits, il est très difficile d’évaluer dans les prises de décisions politiques sur ces thématiques la part d’influence des lobbies, des intérêts économiques des états, de la pression liée à la demande en énergie et en matières premières, ou d’éventuels dessous de tables ou autres commissions masquées. Une chose est sûre, les organisations écologistes sont très attentives à la clarté des processus de négociation et au fait que des intérêts personnels ne viennent compromettre les intérêts collectifs de chaque pays, c’est à dire le délicat équilibre entre croissance, bien-être, et gestion durable des ressources. La préservation de notre environnement est donc très sensible à la question de la transparence.