Après des années d’industrialisation effrénée, la Chine a décidé de faire la guerre à la pollution. Un combat qui passe par une croissance maitrisée et des mesures incitatives.
Le fait est si rare qu’il symbolise à lui seul l’exaspération de la population chinoise face à la pollution. Fin février 2014, un habitant du Hebei, province industrielle du nord de la Chine, a porté plainte contre les autorités locales chargées de la protection de l’environnement. Il accuse le gouvernement de ne faire ni le nécessaire, ni l’indispensable pour protéger la population. En conséquence, il demande le remboursement des masques achetés pour sortir dans la rue et des filtres à air utilisés dans la maison.
Le smog comme camouflage naturel
Il y a quelques mois encore, un général en activité déclarait que le smog qui empoisonne régulièrement l’air des grandes villes présentait un avantage. Il constituait un camouflage « naturel » en cas d’attaque ennemi sur le pays ! La presse faisait régulièrement état « d’études scientifiques » tendant à démontrer que les pics de pollution n’avaient pas de causes connues. Ce temps du déni est aujourd’hui révolu. Après des années passées à rester sourd aux appels de la communauté internationale, la Chine reconnait être l’un des principaux pollueurs de la planète. Début 2014, une étude des chercheurs de l’université de Concordia au Canada plaçait l’Empire du milieu au deuxième rang des pollueurs mondiaux juste derrière les Etats-Unis.
Début mars, lors de l’ouverture de la session annuelle du parlement chinois, le premier ministre Li Keqiang, a annoncé une véritable guerre contre la pollution. Ce combat va se dérouler sur deux axes stratégiques. En premier lieu, Pékin a décidé de maitriser et de changer sa croissance. La croissance chinoise est aujourd’hui encore largement tributaire des investissements publics dans les infrastructures. Ces investissements s’élevaient en 2013 à 4387 milliards d’euros, soit environ 70% du PIB. Comme ils sollicitent les industries lourdes (métallurgie, construction) leur facture énergétique est très élevée. La Chine voudrait peu à peu s’orienter vers un modèle de croissance à l’occidentale centrée principalement sur la consommation des ménages. En conséquence, Li Keqiang , a annoncé une objectif de croissance de7,5% du PIB en 2014. Ce qui constituerait le plus faible taux de croissance annuelle depuis prés de quinze ans.
12 milliards pour les énergies propres
Outre cette réorientation stratégique, le premier ministre a annoncé des mesures concrètes pour limiter la pollution. Les usines les plus polluantes devraient être fermées, les véhicules anciens empêchés de rouler. Un marché carbone va être mis en place dans quelques villes et régions tests. Avec ce marché carbone, chaque entreprise se verra allouée un taux maximum de CO2 pouvant être rejeté dans l’air. Dans le cas où une entreprise dépasserait ce seuil, elle sera contrainte d’acheter des quotas de CO2 aux entreprises les moins polluantes. De plus, les chaudières à charbon à proximité des grandes villes devraient être peu à peu supprimées. Le charbon produit 70% de l’électricité chinoise. La Chine est le premier consommateur mondial de charbon. Elle absorbe prés de 5O% de la production planétaire. Par ailleurs, la Chine prévoit d’accroître ses investissements dans les énergies solaires et éoliennes. C’est un secteur où le pays est déjà en pointe. Chaque année la Chine consacre 12 milliards d’euros au développement des énergies propres.
Ces mesures seront-elles suffisantes pour apaiser la population. La pollution est devenue le premier sujet de préoccupation des chinois. Un ancien ministre de la santé estime que la pollution est responsable chaque année de 500 000 morts prématurées. Un chiffre à réévaluer pour beaucoup de spécialistes. L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) estime que la pollution de l’air a entrainé en 2012, 7,2 millions de décès prématurés dans le monde dont 2,8 millions en Asie du Sud Est. De nombreuses villes chinoises enregistrent plusieurs fois par an des pics de pollution avec une concentration de particules PM10 pouvant atteindre 500 microgrammes pas m3. Pékin a connu en 2013 plusieurs semaines avec une concentration de particules PM10 de 300 microgrammes/m3. L’OMS préconise de ne pas dépasser plus de 50 microgrammes.
Airpocalyspe
Les images de villes chinoises étouffant sous un brouillard épais de pollution sont devenues si courantes que même les touristes se détournent du pays. A Pékin, l’activité touristique a enregistré en 2013 une chute de 10%. Signe que la pollution fait dorénavant partie du quotidien, le « business vert » est en plein boum. Au salon automobile de Shanghai, tous les constructeurs présentaient en 2013 des modèles équipés de filtre pour assainir l’air. La population tente de se protéger par tous les moyens. De nombreux fabricants proposent des masques de protection de plus en plus sophistiqués. Les purificateurs d’air équipent maintenant les maisons des classes les plus aisées. A Pékin, l’école internationale s’est ainsi dotée de deux dômes géants qui permettent de recevoir les élèves dans un environnement assaini. Lors des pics de pollution, les municipalités des grandes villes commencent à utiliser des drones pour dissiper les nuages autour des aéroports.
Il semble bien que le pays s’installe dans ce qui est appelé ici « l’airpocalypse ». Malgré les mesures prises par le gouvernement, il faudra encore du temps avant que la Chine ne parvienne à une croissance propre. Selon Greenpeace, 570 centrales à charbon sont en cours de construction dans le pays.