Le monde change. L’e-commerce, l’économie de partage et l’ubérisation de nombreux secteurs semblent redistribuer les cartes de l’économie mondiale. Les startups sont en train de réinventer notre quotidien dans tous les domaines pour le meilleur et pour le pire. Dans le cybermonde qui se profile, il est important pour les Etats de se montrer startup friendly s’ils veulent préserver leur tissu économique.
Malgré tous ses efforts, la France peine à voir émerger un écosystème de startups aussi puissant que la Silicon Valley ou Israël. Mais pourquoi ? Les Français seraient-ils moins créatifs ou moins entreprenants que les autres ? Certainement pas. La fiscalité serait-elle un frein à l’esprit entrepreneurial de nos compatriotes ? Pas uniquement. En fait, l’émergence d’une « startuposphère » made in France forte n’est pas si loin mais rencontre encore quelques blocages, notamment culturels, financiers et administratifs.
Beaucoup de poneys mais pas assez de licornes
En fait il serait faux de dire qu’il n’y a pas de startups en France. On a d’ailleurs pu voir à l’occasion du dernier CES de Las Vegas que le French Tech est très vivace. Non, le problème des jeunes pousses françaises, c’est qu’elles ont du mal à décoller, à devenir des « licornes », ce qui dans le jargon désigne des entreprises de moins de dix ans valorisées à plus d’un milliard de dollars.
Certes de nombreuses entreprises tricolores de moins de dix ans dépassent les 10 millions de dollars de valorisation, voire les 100 millions de dollars, mais à l’exception de quelques pépites comme BlablaCar et Criteo, peu passent la barre du milliard de dollars.
Une internationalisation trop tardive
Alors, face à des géants mondiaux tels que Uber ou Facebook, le problème viendrait-il de notre capacité à voir au delà de nos frontières ? Il est révolu le temps où les entrepreneurs français incapables de parler anglais ou toute autre dialecte étranger ne parvenaient pas à vendre leurs idées hors de leur territoire. La nouvelle génération de « startupers » français a souvent étudié et travaillé à l’étranger et est totalement ouverte sur le monde. Malgré cela ils prennent bien souvent du retard lorsqu’il s’agit de s’internationaliser.
Plutôt que de viser directement l’international, les startups françaises ont tendance à se cantonner longtemps au marché français et à attendre pour se lancer hors de ses frontières. Résultat, même avec des idées révolutionnaires, elles se font doubler par leurs équivalents étrangers, pourtant parfois créés plus tardivement. C’est par exemple ce qui est arrivé à Viadeo face à LinkedIn, ou à Kiss Kiss Bank Bank face à Kick Starter. Pour contrecarrer cette concurrence américaine et scandinave, la France pourrait néanmoins jouer un rôle leader sur un marché francophone mondial à développer, rassemblant une partie du Canada, de l’Europe, de l’Asie, et surtout du très prometteur continent Africain.
Le financement n’est pas au rendez-vous
Les banques françaises aussi manquent de flexibilité et sont un frein à l’investissement. Heureusement, les startups françaises ont d’autres ressources. Les business angels privés prennent de plus en plus de place sur la scène française, à l’image de Xavier Niel, le fondateur de Free, qui a investi entre 2009 et 2015 pas moins de 35 millions d’euros dans 230 entreprises et projets. Néanmoins les liens entre startups et grandes entreprises restent insuffisants, et il faut souvent attendre qu’une startup ait déjà fait ses preuves pour que les investisseurs potentiels s’y intéressent.
Le financement participatif auprès de particuliers, initié par les startups elles-mêmes, a lui aussi la cote. Même s’il ne concerne que de petits montants et donc de petits projets, il permet aux entrepreneurs de mettre le pied à l’étrier, de gagner en visibilité et d’obtenir leurs premiers financements. La plateforme Hello Merci propose par exemple aux entrepreneurs de demander un prêt en ligne qui sera financé par des internautes intéressés par leur projet et désireux de placer leur argent utilement. D’autres plateformes (dont les plus emblématiques sont Ulule et Kiss Kiss Bank Bank) proposent aux internautes des avantages (comme des ventes en avant-première) contre leur participation financière à la mise en place d’un projet.
Des marchés artificiellement verrouillés
La France est un pays très corporatiste. Il est difficile d’y concurrencer un marché, de bouleverser un secteur et donc d’innover. On a pu s’en rendre compte lorsque la corporation des taxis a senti la concurrence des VTC arriver. Tout est fait pour limiter la concurrence des acteurs déjà en place. Dans le monde de la restauration, du transport, du logement, du bien-être, les pays européens dont la France, malheureusement en bonne position, ont pour habitude de contrôler, de restreindre à un nombre limité les personnes autorisées à pratiquer une activité professionnelle.
Ces limitations sont d’une efficacité prouvée lorsqu’il est question de sécurité et de fiabilité (encadrer les pratiques d’un garagiste, d’un restaurateur, d’un psychologue), ce qui dans une société moderne et démocratique ne peut être sacrifié sur l’autel du profit.
Mais il est certain également que nombre de ces règles visent à protéger des marchés de toute concurrence, à limiter la création d’activités et d’emplois dans certains secteurs particulièrement corporatistes. En plus d’être bien mal adaptée à un pays rongé par le chômage, cette posture est également un frein à l’innovation, aux volontés qui voudraient réinventer un nouveau modèle économique. Car au fond, n’est-ce pas cela le but des startups ?