Rémunérer les indicateurs qui signalent des fraudes est légal depuis 2017 en France et le gouvernement cherche à encourager encore davantage ces aviseurs fiscaux afin qu’ils dévoilent des fraudes toujours plus importantes. Alors aviseur fiscal, un métier d’avenir ?
Très rémunérateur, le renseignement auprès de l’administration fiscale est une pratique qui remonte à l’Antiquité. Déjà, sous l’Empire romain, certains n’hésitent pas à dénoncer un voisin qui se soustrait à l’impôt dans la plus grande discrétion. Les siècles ont passé et les manières de procéder ont évolué mais l’idée reste la même : fournir au fisc un renseignement susceptible de déceler une fraude en échange d’une récompense financière.
L’aviseur fiscal, terme créé par le gouvernement en 2017 pour nuancer l’idée de délation, est donc bien à distinguer du lanceur d’alerte qui agit, lui, de manière désintéressé au service du collectif ou d’un idéal.
Le débat resurgit sur cette façon de dénoncer les fraudeurs.
La délation fiscale a plus ou moins toujours existé en France mais de manière opaque et officieuse. Cette pratique est d’ailleurs mise officiellement sous le tapis en 2004 par Nicolas Sarkozy, alors ministre des Finances.
Le socialiste Michel Sapin tente de la remettre au goût du jour en 2015 en proposant de rémunérer les aviseurs fiscaux en échange de renseignements. L’objectif étant d’institutionnaliser la pratique en lui offrant un cadre légal, il y parvient en 2017 en l’intégrant à la loi des finances, non sans mal. Car d’abord découragé par les réactions provoquées par son idée, Michel Sapin abandonne son projet. Mais un an plus tard, le scandale des Panama Papers qui révèlent des chiffres astronomiques en matière d’évasion fiscale lui permettent de prouver l’utilité de disposer d’un tel outil pour débusquer les fraudeurs du fisc.
100 millions d’euros de redressement grâce aux signalements
Depuis la loi des finances de 2017, il est donc possible d’être indemnisé (selon la formule officielle) pour un renseignement fiscal donné à l’administration. C’est cette dernière qui fixe le montant de l’indemnisation, en fonction de l’importance et de la qualité de l’information donnée. Près de cent personnes ont déjà pris cette initiative et, selon un rapport publié fin 2019, ces délations ont permis de procéder à plus de 100 millions d’euros de redressement fiscal, particulièrement en matière d’impôt sur le revenu, qui représente la grande majorité des fraudes fiscales.
Le renseignement est toutefois soumis à un plafond d’indemnisation d’un million d’euros. Trop peu, selon le gouvernement LREM qui envisage de déplafonner cette somme afin d’encourager des délations encore plus importantes. Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, s’est déclaré en faveur d’une amélioration du dispositif actuel, en expliquant que certaines informations ne sont pas divulguées car de potentiels informateurs estiment que l’indemnisation n’est pas à la hauteur du risque encouru. Le ministre envisage donc de supprimer ce plafond mais pour en créer un autre, plus élevé cette fois.
Un souci d’éthique
Afin de renforcer le dispositif, il est aussi prévu d’étendre le champ de ces renseignements à la fraude à la TVA. Et, à l’image de ce qu’il se fait en matière de police, les renseignements les plus importants pourraient être classés en « confidentiel défense » afin que les aviseurs puissent être mieux protégés.
Par ailleurs, les réseaux sociaux peuvent être désormais utilisés par le fisc ou les douanes afin de déceler des irrégularités. Les données collectées par ces administrations peuvent être intégrées aux dossiers et enquêtes pour aider à établir s’il y a eu une fraude. Il est donc possible pour un aviseur fiscal de signaler quelqu’un au fisc en soumettant un profil Facebook ou Instagram, par exemple.
La France n’est pas la seule à institutionnaliser le renseignement fiscal puisque des pays comme le Royaume-Uni, le Danemark, le Canada ou les Etats-Unis légalisent cette pratique depuis plusieurs décennies. Seulement, il est évident qu’elle pose un problème d’éthique et de moralité. En effet, si la dénonciation fiscale peut être assimilée à un acte socialement utile, la rémunération de la délation pose un cas de conscience. Mais l’Etat assure que les dénoncés ne seront inquiétés que si les renseignements obtenus l’ont été régulièrement.
Une posture qui ne convainc pas tout le monde et peine à faire l’unanimité. Alors faut-il laisser courir les tricheurs ou récompenser ceux qui les dénoncent ? Le débat est ouvert!
Photos : la-croix.com / ifrap.org /