L’Argentine ou la Bolivie ont taxé les ménages les plus riches pour relancer après le Covid. La France, l’Allemagne ou l’Australie ne veulent pas en entendre parler tandis que les États-Unis semblent pencher vers plus d’égalité. Taxer les plus riches, la solution pour la relance ?
C’est une vieille maraude qui revient toujours en temps de crise : et si les plus riches étaient davantage taxés pour aider les plus pauvres ? La pandémie mondiale de Covid-19 provoque une crise économique majeure et les ménages les plus pauvres s’appauvrissent aux quatre coins du globe tandis que les plus riches s’enrichissent. Face à ce constat de déséquilibre croissant, le Fonds monétaire international (FMI) publie le 1er avril 2021 un rapport qui comporte des pistes de relance post-Covid.
D’ordinaire très libéral, l’organe financier mondial se montre cette fois-ci plus enclin au partage des richesses. En effet, parmi les propositions dévoilées, figure l’idée de taxer les plus riches sur le capital en rétablissant ou en instaurant dans chaque pays un impôt sur la fortune. Autour de cette proposition figurent aussi des idées visant à taxer davantage les hauts bénéfices des entreprises ou encore les donations de patrimoine.
LREM a supprimé l’ISF, hors de question de le réintroduire
Forcément, cette idée séduisante sur le papier connaît quelques détracteurs. Rétablir l’Impôt Sur la Fortune (ISF) en France ? « Pure démagogie », selon Bruno Le Maire qui n’a pas attendu 2021 pour contrer cette proposition. Il faut dire que c’est une décision de 2018 (et donc de sa majorité) qui a mis fin à l’ISF en France. Le ministre de l’économie et des finances insiste sur le fait que cet impôt n’a pas fait ses preuves par le passé et qu’il n’a jamais servi à améliorer la prospérité du pays.
Une contribution spéciale liée au Covid ? Bercy, là encore, est contre. Pourtant, d’autres gouvernements y ont vu une bonne idée. Ainsi, l’Argentine, en proie à une grave crise, dégaine dès fin décembre 2020 avec un impôt exceptionnel prélevé sur les revenus de 12 000 foyers fiscaux dont le patrimoine est supérieur à 2 millions d’euros. La contribution spéciale a déjà rapporté 2,8 milliards d’euros six mois plus tard (mais un quart de ces millionnaires ont refusé d’y participer et certains d’entre eux ont entamé un bras de fer juridique alors que près d’un Argentin sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté). La répartition de ces aides vise à aider les PME, à fournir du matériel médical, au développement des quartiers populaires, à des bourses pour étudiant et à la prospection et l’exploration de gaz naturel.
L’Argentine et la Bolivie taxent mais l’Allemagne ou l’Australie n’abordent pas le sujet
Comme son voisin argentin, la Bolivie a aussi levé un impôt spécial Covid fin 2020. Aux États-Unis, le nouveau président Joe Biden veut faire payer les 1 % les plus riches, soit environ 500 000 foyers, en augmentant leur taux d’imposition sur le capital de 20 à 40 %. Cette suggestion plaît du côté de la Nouvelle-Zélande qui se dit prête à procéder de la sorte. Le Royaume-Uni, quant à lui, prévoit un impôt fort sur les sociétés mais à partir de 2023, de façon à ne pas gêner la reprise en sortie de crise. Mais pas d’impôt sur la fortune ou de “taxe Covid” à l’horizon. Pareil en Allemagne ou en Australie : ce n’est pas un sujet.
Pour aller dans ce sens de taxation envers les plus riches, l’économiste français Thomas Piketty propose en avril 2021 un impôt mondial de 2 % sur les fortunes supérieures à 10 millions d’euros (cela rapporterait 1 000 milliards d’euros par an) ensuite redistribué aux pays en fonction de leur population. Une idée peu ou pas commentée par les concernés tandis que les gouvernements, généralement libéraux, battent en brèche les arguments pour expliquer pourquoi ce genre de taxation n’est pas une bonne idée.
La crainte de l’évasion fiscale est l’explication qui revient le plus : en résumé, en taxant les plus riches, ces derniers vont encore mieux faire évader leurs impôts. La peur de froisser les intérêts de certains qui investissent énormément d’argent sur leur territoire effraie les gouvernements qui marchent sur des œufs lorsqu’il s’agit de fiscalité. Seulement, avec l’accroissement des inégalités, les familles les plus démunies attendent avec impatience une démonstration du « courage » pour réintroduire une certaine justice sociale dans le quotidien. Les prises de position de Joe Biden en faveur d’un léger rééquilibrage constituent déjà une indication de la marche à suivre : si les États-Unis sont prêts à créer davantage d’égalité, de nombreux pays vont regarder cette initiative avec attention.
Photos : yeoandyeo.com et journaldechambly.com