Le gouvernement a annoncé son projet de réduire l’impôt sur le revenu pour 2016. Une mesure qui devrait profiter à huit millions de Français, et notamment aux classes moyennes. À un an et demi des présidentielles, le président Hollande n’a pas le droit à l’erreur sur sa politique économique.
François Hollande l’avait promis, de nombreux Français devraient voir l’an prochain leur impôt sur le revenu diminuer, voire disparaître. Le « président normal » a cette fois innové, en s’attaquant à l’asphyxie fiscale des classes moyennes, et en particulier des classes moyennes inférieures. La droite dénonce une mesure démagogique et craint que le manque à gagner de deux milliards d’euros ne soit répercuté sur les autres tranches de la population, notamment les classes moyennes supérieures. Du coté du gouvernement, on joue la carte de la stimulation du pouvoir d’achat pour relancer l’économie.
La classe moyenne enfin concernée
Contrairement à ce que l’on peut penser dans le contexte économique morose actuel, le gouvernement a déjà entrepris des baisses d’impôts pour les ménages. En 2014, puis en 2015, les taux d’imposition des ménages aux plus bas revenus avaient déjà été revus à la baisse. Au total, ce sont quelque cinq millions de personnes qui ont bénéficié de ces mesures. Trois millions de contribuables supplémentaires devraient être visées dès 2016.
La nouveauté du projet de loi de finances 2016, qui sera présenté en conseil des ministres fin septembre, s’attaque à l’imposition des classes moyennes. Jusque là, les gouvernements, de droite comme de gauche, qui s’étaient succédés se sont penchés (avec plus ou moins de succès) sur l’impôt des plus riches ou des plus pauvres. Pour caricaturer, une politique de gauche se devait d’aider les couches les plus pauvres de la population pour lutter contre la précarité et une politique de droite avait pour bataille de réduire la pression sur les plus riches pour favoriser l’investissement et éviter l’exil fiscal.
Cette fois, Michel Sapin s’attaque aux contribuables « borderline », à ceux qui ont toujours été trop riches pour bénéficier de quelconque mesure, mais pas assez pour affronter la hausse du coût de la vie. Les personnes concernées sont celles qui se situaient juste au dessus du seuil d’imposition, correspondant à environ 14.000 euros de revenus annuels.
Concrètement, combien vont économiser les ménages ?
Sur les trois millions de nouveaux bénéficiaires du projet de loi, un million devrait être totalement exempté d’impôt sur le revenu. Pour les deux millions restant, l’économie d’impôt réalisée pourrait aller jusqu’à 500 euros par an.
Mais chaque cas est différent. Les barèmes sont calculés en fonction de plusieurs critères, notamment les revenus, mais également le quotient familial. Un couple avec ou sans enfant, une veuve, un retraité ou encore un célibataire actif, ne seront pas imposés sur les mêmes bases.
Pour donner un ordre d’idée des effets de cette mesure sur le portefeuille des français, le ministère des Finances a publié quelques exemples. Un couple de salariés avec trois enfants gagnant 3.800 euros net par mois devrait économiser 507 euros en 2016. Un couple de retraités sans enfant gagnant 2.960 euros par mois verrait quant à lui son impôt sur le revenu baisser de 483 euros. Une veuve retraitée gagnant 1.750 euros par mois aura la bonne surprise de ne plus être imposée en 2016, soit un gain de 263 euros. Quant au jeune (ou moins jeune) célibataire salarié à 1.593 euros nets par mois, il réalisera une économie de 319 euros. De quoi réjouir pas mal de ménages.
Une perte de deux milliards d’euros pour l’Etat
Comme le veut la tradition, sitôt la mesure annoncée, elle fut critiquée. A droite, on craint que les baisses ou suppressions d’impôts ne soient supportées par un faible nombre de personnes, et que cela fragilise notamment la classe moyenne supérieure. Cette partie de la population est pourtant l’un des piliers du dynamisme économique français. Et elle a déjà été fragilisée par les hausses successives d’impôts et cotisations des années précédentes (hausse des cotisations de retraite, taxation plus importante des revenus du capital, précédente hausse de l’impôt sur le revenu…).
Il faut dire que le coût annoncé du projet, deux milliards d’euros, semble prohibitif pour un Etat qui peine déjà à combler un déficit qui dépassait l’an dernier les 85 milliards d’euros. Il est donc légitime de poser la question du financement d’une telle réforme.
Seuls 46% des français paieront l’impôt sur le revenu
Michel Sapin réfute cependant l’idée d’une hausse d’impôt sur le revenu pour les tranches supérieures. Il justifie même ces baisses et exonérations qui représentent selon lui un retour à la normale, à une situation d’avant crise. Même si en 2016, seuls 46% des Français paieront l’impôt sur le revenu (contre 53% en 2013), ce taux n’a rien d’extravagant. Il est en fait le même qu’en 2010.
Toujours est il qu’en économie comme en physique, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Les deux milliards économisés par les contribuables seront donc absorbés d’une manière ou d’une autre.
Baisser l’impôt sur le revenu fera-t-il redécoller la croissance ?
Rien n’est si sûr! Les quelques centaines d’euros économisés par les ménages concernés vont certes favoriser la consommation, mais ils ne suffiront pas à eux seuls à faire redémarrer une économie.
Même si elle sera une petite bouffée d’oxygène pour beaucoup de ménages, la mesure est surtout symbolique. Le taux de l’impôt sur les revenus des tranches inferieures est en réalité l’un des plus bas d’Europe. La marge de manœuvre n’est donc pas grande, et surtout, cela n’aura aucune influence sur le coût du travail. Les cotisations et charges sociales payées par les employeurs en France sont en proportion les plus importantes d’Europe (51% environ). En termes de coût du travail, notre pays se situe au cinquième rang européen après le Danemark, la Belgique, la Suède et le Luxembourg.
La relance de l’économie française passera certainement par une refonte de son système social coûteux et un allègement du coût du travail pour le rendre plus attractif. Une question douloureuse pour le parti socialiste…