Poussée par les ministres des Finances du G7, l’OCDE était très attendue ces dernières semaines sur un sujet brûlant : la mise en place d’une taxation minimale mondiale des grands groupes. L’objectif: mettre fin à une surenchère fiscale qui ne profite en réalité qu’aux grandes entreprises. Le vendredi 8 septembre, un accord historique a été trouvé entre 136 pays, représentant 90 % du PIB mondial, pour une taxation minimale des multinationales.
Pourquoi une taxation mondiale des multinationales?
Depuis 30 ans, la pression fiscale sur les entreprises n’a cessé de baisser dans le monde, passant de 40 à 25 % en moyenne. Mais cette baisse s’est faite de manière très inégalitaire, participant à une concurrence fiscale mondiale pour attirer les grandes entreprises.
Les Etats sont les premiers perdants de cette course effrénée à l’attractivité. Ceux dont la dépense publique et le taux d’imposition sont élevés sont confrontés aux délocalisations, à la désindustrialisation et au chômage de masse. Ceux tirant leur taux d’imposition sur les entreprises vers le bas sont quant à eux pénalisés par l’assèchement des ressources fiscales, pourtant essentielles à leur développement social et économique.
L’Union européenne et les Etats-Unis à l’origine du projet
Ce projet a depuis longtemps été celui de l’Union européenne, embarrassée par la concurrence fiscale que se mènent les Etats membres au sein du marché unique. Le problème européen vient notamment du faible impôt sur les sociétés pratiqué en Irlande (environ 12 %), qui lui a permis d’abriter le siège européen de Google, Facebook, Apple et d’autres géants du Web. A la clé, des recettes fiscales, mais aussi des emplois.
Mais c’est sans doute l’élection de Joe Biden aux Etats-Unis qui a permis de porter l’initiative européenne au G7 et à l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique). Son espoir: pouvoir opérer une hausse de l’impôt sur les sociétés aux Etats-Unis sans toutefois risquer la fuite de ces joyaux américains. Joe Biden va d’ailleurs plus loin que les européens. Il veut cibler non seulement les entreprises du numérique mais aussi toutes les grandes multinationales dépassant les 20 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel. Une centaine d’entreprises seraient concernées.
150 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires
C’est donc au nouveau secrétaire général de l’OCDE, Mathias Cormann, en poste depuis le 1er juin, qu’est revenue la lourde tâche de mettre en place cette harmonisation fiscale, sous l’impulsion des ministres des finances du G7.
Le taux d’imposition minimal a été fixé à 15 %. Ce taux devrait permettre aux 136 pays signataires, représentant 90 % du PIB mondial, de dégager 150 milliards d’euros de recettes supplémentaires, selon un communiqué de l’OCDE.
Les Etats-Unis de Joe Biden proposaient même d’aller jusqu’à 21 %, une proposition soutenue par la France, l’Allemagne, ou encore le Royaume Uni. Un revirement total par rapport à la présidence de Donald Trump, qui était fermement opposé à un tel accord.
La question n’est pas seulement le taux, mais aussi le pays de redevance
L’accord s’annonçait difficile. Non seulement parce que des pays, y compris européens comme l’Irlande, qui ont longtemps profité de cette concurrence fiscale, se montraient frileux à une harmonisation du taux d’imposition. Mais aussi parce que la question n’est pas uniquement centrée sur le taux, mais aussi sur le pays dans lequel l’impôt doit être prélevé.
Avec l’émergence des GAFAM, et de manière générale des activités marchandes sur Internet, les frontières économiques et fiscales sont devenues de plus en plus floues et sujettes à interprétation. Si Bruxelles veut rapatrier une partie de la taxation des GAFAM en Europe, à hauteur des activités qui y sont pratiquées (et afin de rembourser en partie les milliards investis dans le plan de relance), Washington ne le voit pas sous cet angle. Et les Etats-Unis ont un allié de taille dans ces négociations, puisque Mathias Cormann se fait conseiller sur ce dossier par James Rubin, un proche de Joe Biden…
Un début d’accord a néanmoins été trouvé sur le sujet des entreprises exerçant des activités commerciales dans les pays dans lesquels elles n’ont pas de siège. Cet accord concerne pour le moment uniquement les entreprises dégageant plus de 20 milliards de chiffre d’affaires par an, et dont la rentabilité dépasse les 10 %.
Photos : cnews.fr – marianne.net