Serons-nous dans un avenir proche notre propre patron ? Cette hypothèse apparaît de plus en plus plausible pour beaucoup d’entre nous sur un marché du travail dans lequel les CDI se font de plus en plus rares. Face à un environnement économique toujours plus changeant, les entreprises pourraient être tentées de se reposer sur des contrats de courte durée. Les travailleurs indépendants de la « Gig Economy » sont devenus pour certains l’avenir du travail. Cette tendance est favorisée par les nouvelles technologies levant toutes les barrières techniques.
Le 1er octobre 2016, le McKinsey Global Institute publiait une étude sur le travail indépendant aux États-Unis et dans 15 pays de l’Union européenne. Celle-ci révèle notamment que 20 à 30 % de la population en âge de travailler de ces zones exerçait une forme de travail indépendant soit 162 millions de personnes dont 13 millions en France. MGI définit le travail indépendant par un haut degré d’autonomie, une relation contractuelle de court terme entre le travailleur et son client ou un paiement à la tâche.
Une situation de travail généralement volontaire
Le McKinsey Global Institute classe par ailleurs les travailleurs indépendants en quatre catégories. On trouve tout d’abord ceux qui exercent une activité indépendante à plein temps, les agents libres (30 %) et les réticents (14 %). Quand les premiers tirent volontairement leur revenu primaire de cette activité, les seconds l’exercent faute de mieux. Ensuite, deux autres catégories de personnes utilisent le travail indépendant pour générer une source de revenus additionnelle. Ainsi, les travailleurs occasionnels (40 %) s’opposent à ceux dit financièrement coincés (16 %) qui le font par pure nécessité.
Le travail indépendant a augmenté de 45 % dans l’Union européenne de 2004 à 2015. Et il est probable que cette tendance s’accélère dans les années à venir. Un salarié sur six en contrat stable est prêt à épouser cette nouvelle forme de travail. Jusqu’à présent cette Gig Economy concernait principalement des taches peu qualifiées comme la livraison ou les prestations de transport, elle devrait rapidement toucher des fonctions à plus haute valeur ajoutée. On devrait trouver d’avantages de taches externalisées dans le marketing, le design, la gestion de projets…
Développement de plateformes dédiées
Le travail indépendant se développe largement grâce aux plateformes de mise en relation des travailleurs avec des clients. On connait Uber et AirBnb, mais l’activité prend une autre dimension avec Hopwork qui permet aux freelances de se référencer et de bénéficier d’un vaste réseau. De son côté, l’entreprise peut trouver la personne dont elle besoin pour réaliser une mission donnée. Crowdguru, une plateforme de crowdsourcing, va encore plus loin en divisant la mission en micro-tâches. L’achèvement de celles-ci conduit à réaliser la mission confiée par l’entreprise à Crowdguru.
Toutefois, selon l’étude de McKinsey, seuls 15 % des travailleurs indépendants disent avoir généré un revenu grâce à une plateforme Internet. De plus, La tendance n’est pas si récente tant il s’est développé autour d’entreprises à la recherche de souplesse, un certain nombre de contrats courts. Outre les CDD et les intérimaires, les industriels font couramment appel à des consultants ou des prestataires de services. Les plateformes Internet permettent de réduire le nombre d’intermédiaires et offrent encore plus de flexibilité avec en parallèle le risque de précariser davantage les travailleurs.
Quelle protection pour les freelances ?
Le travail indépendant semble désormais préoccuper les politiques français tant les enjeux fiscaux et sociaux sont importants. Outre-Manche, L’Independent Workers Union of Great Britain, (IWGB), un syndicat formé en 2013, veut être reconnu par Deliveroo pour pouvoir négocier un accord collectif pour les livreurs. Fin octobre, un tribunal britannique a jugé qu’Uber devait garantir à ses chauffeurs un salaire minimum, leur donner des congés payés et les rémunérer en cas d’arrêt maladie. En France, l’Urssaff poursuit l’entreprise américaine de VTC pour requalifier les chauffeurs en salariés.
Le travail indépendant est vu comme une opportunité par ceux qui en exercent un : il apporte un certain dynamisme sur un marché de l’emploi au ralenti. Pour appréhender cette évolution sociétale, dirigeants et syndicats devront adapter leur grille de lecture. Il pourrait ainsi accroitre le fossé entre des travailleurs mis en concurrence et créer un phénomène de dumping avec des indépendants exerçant dans des pays à bas coûts sur des missions n’exigeant aucune présence physique. Les travailleurs sachant continuellement renouveler leurs compétences auront un avantage indiscutable.