La part des actionnaires étrangers ne cesse d’augmenter au sein des entreprises du CAC 40.
Les 40 plus grands groupes de l’Hexagone sont-ils encore français ? Une récente étude démontre l’engouement de l’actionnariat étranger pour les fleurons de l’économie française. Faut-il pour autant s’alarmer d’une telle situation ?
Palmarès des investisseurs étrangers
Qui détient les 40 sociétés les plus représentatives de l’économie française ? En passant au crible les données relatives à l’actionnariat de ces dernières, quelques surprises apparaissent. Si 38% de leur part de capital reste détenue en France, 26% l’est par des actionnaires provenant des Etats-Unis. Suivent ensuite, dans des proportions plus modestes, le Luxembourg (5,5%), la Belgique (4%), la Norvège (3,7%), le Royaume-Uni (3,5%), la Suisse (3%), l’Allemagne (2,4%), l’Irlande (1,5%), et enn Jersey, qui ferme la marche avec 1%.
Un état des lieux contrasté
Ces chiffres, qui sont issus d’une moyenne globale, ne témoignent pas du contexte propre à chaque entreprise. Certaines bénéficient d’une implication massive de l’Etat dans leur capital. C’est le cas d’EDF, détenue à 85% par l’APE. D’autres ont par leurs alliances attiré nombre d’investisseurs étrangers. Ainsi, conséquence de son partenariat avec Nissan, 28% des actionnaires de Renault sont japonais. Enfin, par leur stabilité et leur statut de « valeurs sûres », un grand nombre d’entreprises françaises de premier plan ont séduit des fonds de pension, mais aussi des fonds souverains. A ce titre, la Norvège, dynamisée par ses revenus pétroliers, est particulièrement active dans l’actionnariat du CAC 40 français, avec 20 milliards d’euros de participations.
Des entreprises qui attirent les investisseurs
La montée en puissance de l’actionnariat étranger dans les grands groupes français reflète la bonne perception de l’économie française hors des frontières. Il s’agit de plus d’une conséquence logique de l’internationalisation de ces entreprises. Réalisant, pour la majorité d’entre elles, la plus grande part de leur chiffre d’affaires à l’étranger (70% en moyenne), il est donc logique qu’elles attirent des actionnaires provenant du monde entier. Parmi eux, impossible de ne pas remarquer la montée en puissance des investissements états-uniens.
Sociétés de gestion, fonds de pension et fonds souverains
Qui sont ces actionnaires américains, qui possèdent à eux-seuls 26% du capital des entreprises du CAC 40 ? Parmi elles, des sociétés de gestion, telles que Black Rock, qui détient 10% de St Gobain, 10% de Legrand et 8% de Vinci. Véritable poids lourd dans le monde des investisseurs, Black Rock compte 4 300 milliards de dollars d’actifs. Pour rappel, le PIB de la France s’élève, lui, à 2 800 milliards… Autre société de gestion très présente sur le CAC, le Massachussetts Financial Service dispose de 10% de Danone et de Pernod-Ricard. Investisseur considéré comme l’un des plus actifs dans l’économie mondiale, le fonds souverain du Qatar s’intéresse aussi aux entreprises françaises. Total, Veolia et Vinci en sont l’illustration.
Pourquoi un tel recul des actionnaires français ?
Une telle situation est inédite : jamais un si grand nombre d’actionnaires étrangers n’a été enregistré au sein des entreprises françaises. La baisse constante des investisseurs hexagonaux s’explique par de multiples raisons. Depuis les années 1990, nombre d’entreprises, pour faire face à des situations de crise, ont dû revendre une partie de leurs actions. Cet appel d’air n’a pu profiter massivement aux investisseurs français, dont les capacités sont trop peu développées par rapport aux fonds étrangers. Les salariés ne sont que rarement invités à prendre part au capital de leur entreprise, et ne pèsent qu’à hauteur de 2% dans le capital du CAC 40. Les systèmes de retraite sont peu orientés vers l’actionnariat, et les particuliers, freinés par l’éclatement de la bulle Internet et par la crise de 2008, optent de plus en plus pour des placements réputés sans risque.
Banques et Etat en retrait
Banques et assurances, jusqu’alors très présents dans l’économie française, s’effacent de plus en plus du fait de réglementations européennes jugées trop contraignantes. Quant à l’Etat, sa présence dans de nombreuses entreprises ne suffit pas à modifier la tendance actuelle. L’annonce récente d’une augmentation de sa participation dans Renault ne parvient pas à masquer le désengagement amorcé depuis plusieurs années auprès du secteur industriel. Il est donc logique que la place laissée vacante par les investisseurs traditionnels soit ainsi occupée par de nouveaux acteurs.
Manne financière et inquiétudes
Cet afflux d’actionnaires étrangers constitue, pour beaucoup d’entreprises, une bouffée d’oxygène et répond à leurs besoins en capitaux. Besoins grandissants, pour financer leur développement à l’international, pour s’implanter dans des pays émergents où la croissance se fait à deux chiffres, et pour pallier au manque de liquidités provoqué par les crises financières. D’autant plus que l’actionnariat étranger choisit bien souvent l’option de l’investissement à long terme. Pourtant, une telle prise de contrôle du capital des entreprises françaises ne manque pas de soulever quelques questions. Quelle sera l’influence de ces actionnaires sur les activités des grands groupes ? Le fonds souverain norvégien, quatrième actionnaire de Total, surveille par exemple de très près les agissements de l’entreprise au Sahara occidental. Autre problématique : l’éventualité d’une délocalisation des centres de décision, comme ce fut le cas avec Usinor, et plus récemment Lafarge, dont le siège social sera prochainement établi en Suisse.
Des données imprécises
Les données relatives à la nationalité des actionnaires nécessitent néanmoins quelques précautions quant à leur interprétation. Seule 64% de la composition du CAC 40 est connue, les 36% restants n’étant pas couverts par les statistiques. Les rapides mouvements de capitaux dus au trading à haute fréquence et la dispense de déclaration pour une détention inférieure à 5% rendent les chiffres approximatifs. Des Français peuvent aussi investir depuis l’étranger. A ce titre, les 5,5% détenus par le Luxembourg dans le CAC 40 doivent inclure bon nombre de ressortissant hexagonaux. Cette présence de plus en plus importante de capitaux étrangers devrait encore se renforcer ces prochaines années, sur une place financière qui a réalisé, en 2014, 64,6 milliards d’euros de profits.