L’investissement socialement responsable (ISR) occupe une place de plus en plus grande en France ces dernières années. Poussé par un activisme actionnarial prêt à tout pour récupérer les gouvernances des grandes entreprises, l’ISR est parfois un outil d’instrumentalisation, et le sera encore plus après la crise coronavirus.
L’investissement socialement responsable (ISR) a vu le jour dans les années 1970 aux Etats-Unis. Application des principes du développement durable aux placements financiers, l’ISR est devenu « à la mode » depuis la grosse crise financière de 2008.
Il devrait très probablement, au cours des prochaines années, représenter la nouvelle vague de l’activisme actionnarial au sein des grosses entreprises. Les raisons de cette nouvelle tendance sont multiples alors que jusqu’à la fin des années 2000, les investisseurs se tournaient allègrement vers ce qui pouvait être luxueux et énergivore.
Le curseur a été déplacé après la crise de 2008 car il a fallu redonner confiance et restructurer les marchés afin que les pouvoirs publics n’interviennent pas. Les cumuls des profits étant de plus en plus mal perçus à l’heure où les inégalités se creusent, réaliser des investissements socialement responsables permet de se donner une bonne image auprès de l’opinion publique.
Ensuite, c’est aussi une façon de suivre une mode qui est, aujourd’hui, de penser environnement avant tout. Dans un contexte de crise sanitaire et avec les scientifiques qui alertent sur le réchauffement climatique, réduire l’empreinte carbone apparaît comme une évidence.
« Décennie vertueuse » pour les millionnaires
Les ISR encouragent la production d’énergies renouvelables ou la construction de bâtiments peu énergivores. Il s’agit aussi de réduire le nombre de déchets ou de tendre vers une drastique diminution du plastique. Sur le plan sociétal, l’égalité hommes-femmes ou une plus grande transparence des données extra-financières sont deux piliers sur lesquels l’actionnaire peut être invité à agir.
Les experts parlent de « décennie vertueuse » pour qualifier ces changements de comportements qui auraient un impact favorable sur l’environnement. Dernier exemple en date, l’acquisition en avril 2020 par AG2R La Mondiale de l’immeuble Thémis, situé dans le nord de l’éco-quartier Clichy-Batignolles. C’est un bâtiment labellisé HQE Exceptionnel (haute qualité environnementale), premier en Ile-de-France à avoir obtenu le label E+C- (énergie positive et réduction carbone). L’achat est largement relayé par l’entreprise car il fait d’elle un « bon élève » en matière de protection de l’environnement et il lui permet de prouver l’engagement du groupe en matière d’ISR.
Le label ISR créé en 2015 par Bercy
Cette tendance ne veut pas dire que les investissements en faveur des énergies fossiles cessent pour autant. Et le concept d’ISR peut parfois prêter à confusion car pas forcément bien défini. Concrètement, qui décide de si un investissement s’inscrit dans un ISR ou non ? Les marchés financiers et les entreprises ? Les gouvernements et les autorités de régulation des marchés ?
Pour citer l’exemple de la France, Michel Sapin, alors ministre de l’Economie, créé en 2015 le label ISR. Les fonds d’investissement souhaitant l’acquérir doivent répondre à un cahier des charges bien précis. Lors de la dernière décennie, les investisseurs institutionnels ont bien compris l’intérêt qu’il y avait à réaliser des ISR mais le particulier, en revanche, reste encore relativement peu informé.
Aujourd’hui, l’activisme actionnarial ne représente pas que des motifs d’espoir dans le paysage économique français. Cet activisme est dans le collimateur de Bercy car depuis plusieurs mois, de grands groupes français sont en proie à des fonds d’investissement minoritaires qui manœuvrent pour récupérer la gouvernance. Lagardère, Pernod-Ricard ou encore Casino sont dans ce cas-là.
Activisme actionnarial : oui mais…
Et si l’activisme est encouragé lorsqu’il s’agit de promouvoir de réelles valeurs de développement durable, il est aussi dénoncé et craint lorsqu’il répond à une simple logique de profit. Car l’activisme actionnarial peut être utilisé pour pointer du doigt des dysfonctionnements et des erreurs de la part de la gouvernance d’une entreprise afin de s’en emparer et ce, dans le seul but de générer des profits.
Face à cette montée de l’activisme actionnarial en France, le gouvernement souhaiterait légiférer mais un fonds activiste ne peut être considéré comme une entité juridique. Les prochaines semaines devraient apporter de nouvelles réponses pour clarifier les futures orientations.
Photos : amf-france.org / linfodurable.fr / legira.fr