Le 22 février, Philip Hampson Knight, milliardaire et co-fondateur de Nike, annonçait un don de 400 millions de dollars à Stanford. En 2015, HEC a collecté 12 millions d’euros. Si elles ne peuvent encore concurrencer leurs homologues anglo-saxonnes, les grandes écoles françaises rentrent dans la course aux levées de fonds.
Les grandes universités américaines championnes
En 2015 aux Etats-Unis, les universités ont collecté un montant record de 40,3 milliards de dollars[1]. Avec 1,63 milliards de dollars levés en 2015, Stanford s’impose en tant que championne mondiale du fundraising – terme anglais de la levée de fonds. Même Harvard, qui rafle la deuxième place du podium, a récolté 580 millions de moins que sa concurrente avec tout de même 1,05 milliards de dollars[2]. Au Royaume-Uni, Oxford et Cambridge font figure de « petites joueuses », avec 200 à 250 millions d’euros collectés en moyenne par an.
Et dès le début de 2016, le co-fondateur de Nike Philip H. Knight, annonçait un don de 400 millions de dollars à Stanford. 24ème fortune mondiale et diplômé du Master in Business Administration de Stanford, il avait déjà donné 105 millions à l’université en 2006. La récente promesse de don servirait à financier le nouveau programme Knight-Hennessy, du nom du donateur et du président actuel de Stanford, qui devrait voir le jour en 2018. Philip H. Knight deviendrait ainsi l’un des plus importants donateurs particuliers de l’histoire du financement des universités, aux côtés du directeur de fonds spéculatif John Paulson qui avait donné le même montant à Harvard en 2015.
Les universités françaises exploitent le filon
Même si les grandes écoles françaises ne peuvent rivaliser avec les universités anglo-saxonnes, le phénomène de la levée de fonds émerge en France.
Dans son enquête d’octobre 2015, la Conférence des grandes écoles a constaté que les écoles font de plus en plus appel à la générosité des particuliers et des entreprises pour financer leurs activités[3]. En 2013, 36 établissements avaient ainsi récolté 58,8 millions d’euros soit 3% de leur budget. Un montant dérisoire au vu des standards anglo-saxons où les dons peuvent attendre 60% du budget des universités.
En tête, la fondation HEC. Elle avait déjà réussi à collecter 112 millions d’euros depuis le lancement de sa première campagne en 2008. Elle a réalisé une nouvelle performance avec la levée de 12 millions d’euros en 2015 auprès de 154 donateurs, en majeure partie des anciens élèves. 40% des fonds ont été placés sur un fonds pérenne de l’école, le reste va être alloué au financement des bourses, au recrutement de professeurs et à la mise en place de nouveaux projets de recherche. Depuis le 1er janvier, la fondation est devenue actionnaire du l’établissement d’enseignement supérieur consulaire d’HEC – son nouveau statut d’école de commerce. Avec la possibilité de participation à de futures augmentations de capital et avec deux représentants au conseil d’administration de l’EESC, la position de la fondation HEC permet aux donateurs de prendre part aux décisions stratégiques de l’école. Une grande première en France.
Vers un creusement des inégalités ?
Si la culture du fundraising permet d’accroître les sources de financement des universités, il semblerait que cette course aux donations creuserait les inégalités entre les universités.
Les plus riches deviennent encore plus riches. C’est le constat du rapport du rapport Council for Aid to Education pour les Etats-Unis : sur les 40,3 milliards levés en 2015, huit dons de 100 millions ou plus ont été versés à seulement à quatre institutions, qui font partie des 20 meilleurs collecteurs de fonds du pays. Ce montant total de 1,4 milliard de dollars représente autant que les dons reçus par les 490 institutions qui ont levé le moins de fonds en 2015. Un système qui favorise les institutions d’élite, qui sont de loin les plus fortunées.
Même constat pour la France. La Conférence des grandes écoles souligne que la répartition des fonds collectés est très inégale : 91% du total des dons ont été destinés à seulement treize écoles, et 9% pour les 23 autres établissements. Et comme pour leurs homologues outre-Atlantique, ce sont les plus prestigieuses qui raflent la mise, HEC en tête suivie par l’ESCP Europe et l’Essec. Les clés de la réussite ? Une stratégie de levée de fonds solide portée par une équipe de professionnels spécialisés, ce qui implique de disposer en amont de du budget nécessaire. Un investissement coûteux que ne peuvent s’offrir les petits établissements.
La course aux levées de fonds bénéficie aux universités les plus prestigieuses et les plus fortunées. Alors que les donations se chiffrent parfois à des centaines de millions aux Etats-Unis, les coûts de l’enseignement ne sont pas pour autant réduits. Et les grandes écoles françaises s’engagent sur la même voie.
[1] Council for Aid to Education
[2] Communiqué de presse du Council for Aid to Education, par Ann E. Kaplan, Colleges and universities raise record $40.30 billion in 2015, 27 janvier 2016.
[3] Conférence des Grandes Écoles, L’émergence du fundraising dans les grandes écoles en France, Enquête de la Conférence des grandes écoles, octobre 2015.