Alors que Londres était redevenue en septembre 2015 la première place financière mondiale devant New-York, Hong Kong et Singapour, la victoire du camp du Brexit vendredi 24 juin inquiète les marchés financiers mais pourrait également bénéficier à certains pays. Décryptage.
La City, grande perdante du Brexit ?
Même si le Brexit est loin d’être confirmé à l’heure actuelle, les premières réactions négatives suite aux résultats du référendum britannique consultatif inquiètent les professionnels de la finance opérant à Londres. La City perdrait en effet son rôle de centre névralgique de la finance européenne et ne pourrait plus exercer librement ses activités dans l’ensemble des états membres de l’Union Européenne (UE). Elle devrait renégocier des accords commerciaux et les travailleurs de la City ne disposeraient plus de passeport « UE », alors qu’une grande partie de leurs transactions financières se déroulent outre-Manche.
Une situation délicate, mais qui n’empêche pas les acteurs concernés d’envisager des solutions alternatives si Londres perdait sa place de capitale de la finance européenne. Les grandes banques songent ainsi à supprimer des postes au Royaume-Uni pour les déplacer au sein de la Zone UE. Le cabinet PWC a calculé qu’en cas de Brexit, le secteur de la finance britannique pourrait perdre entre 70 000 et 100 000 emplois d’ici 2020.
Francfort et Paris : les nouvelles capitales européennes de la finance ?
Là où il y a un perdant, il a toujours un gagnant… adage qui pourrait bien décrire la situation si la sortie du Royaume-Uni devait se concrétiser.
Le manque à gagner pour la finance anglaise profiterait grandement à certains marchés continentaux. Les autres places financières comme Francfort, Paris et Dublin pourraient attirer les activités financières qui deviendraient moins fructueuses outre-Manche. Opérer au sein de la zone euro permettrait en effet aux acteurs financiers de mieux gérer les risques et d’éviter les impacts des fluctuations de la livre sterling, leur assurant une plus grande stabilité des transactions financières. JPMorgan a annoncé début juin que 1000 à 4000 postes pourraient ainsi être transférés dans l’Union, Morgan Stanley pourrait déplacer un sixième de ses effectifs – soit 1000 salariés – à Dublin ou en Europe continentale, et Goldman Sachs 1600 employés.
Francfort et Paris se disputent d’ores et déjà la place de future capitale européenne de la finance. Francfort, qui abrite le siège de la Banque centrale européenne, se place notamment en leader de la finance continentale. Ses activités se concentrent principalement sur les transactions d’obligations et d’actions, et sa bourse et celle de Londres sont fortement interdépendantes. Jouissant d’une proximité géographique avec les places financières londonienne, la capitale française a également des atouts de son côté. Spécialisée dans les services financiers et les produits dérivés, le cœur de métier des professionnels de la finance parisienne correspond plus aux activités britanniques, et il existe une grande circulation du personnel entre les deux villes. Le personnel londonien pourrait dont plus facilement s’intégrer à Paris en cas de délocalisation de postes. HSBC a ainsi annoncé que le groupe pourrait transférer 1000 emplois à Paris.
Hors Union Européenne : les potentiels gagnants du Brexit
Une potentielle séparation entre le Royaume-Uni et le bloc de l’Union européenne inquiète fortement les marchés américains mais pourrait bénéficier aux pays africains.
Les marchés américains sont nerveux : avec 500 milliards de dollars d’investissement et 56,1 milliards d’exportation au Royaume-Uni, une potentielle sortie du marché britannique de l’UE présente des risques considérables. Outre le monde de la finance qui serait affecté en raison de la forte proximité entre Wall Street et la City, ce sont les géants des industries américaines qui sont préoccupés par le fait que la libre circulation des biens et des services puissent être altérée entre le Royaume-Uni et le reste des états membres. D’ailleurs Ford et General Motors ont déjà cherché à obtenir des garanties pour la poursuite de leurs activités dans l’espace économique européen.
En revanche, le Brexit pourrait représenter une aubaine pour les pays africains. Même si les prix à l’exportation des biens britanniques pourrait augmenter et qu’une incertitude règne concernant les futures relations bilatérales avec le Royaume-Uni, les pays africains se trouveraient en position de renégocier des accords avec les deux côtés de la Manche, ce qui leur assure une plus grande marge de manœuvre qu’un dialogue avec un interlocuteur unique. Ce serait notamment l’occasion de revoir les termes de la politique agricole commune, qui n’ont pas nécessairement été à l’avantage des pays africains. De plus, le Royaume-Uni possède de solides partenaires commerciaux comme le Nigéria ou le Ghana, et n’étant plus obligé de contribuer au budget européen avec une contribution de plus de 11 milliards d’euros annuel, il pourrait allouer des sommes intéressantes à ses partenaires dans le cadre d’accords bilatéraux.
Si à l’heure actuelle les conséquences réelles d’un futur Brexit restent à l’état de spéculations, d’autres pôles financiers pourraient devenir le cœur de la finance européenne et les pays africains ont une carte à jouer – qui va parvenir à tirer son épingle du jeu ?