C’est l’actuel président de la Banque mondiale, l’américain Jim Yong Kim, qui a annoncé fin juillet la nomination de son compatriote Paul Romer au poste d’ « économiste en chef » de l’institution basée à Washington. Mais qui est ce professeur d’économie de 50 ans, passé par les universités de Berkeley, Chicago, Rochester, et dernièrement de New York ? Un économiste réputé, mais relativement peu expérimenté, et dont les idées résolument novatrices semblent trancher avec l’austérité générale qui caractérise les marchés depuis 2008.
Un poste clé pour la Banque mondiale
Dans les années 1990, lorsque Larry Summers et Joseph Stiglitz occupaient le poste d’économiste en chef, leurs positions très tranchées ont souvent occasionné des débats houleux sur la politique économique à mener. Joseph Stiglitz, très critique des conditions décidées par le Fonds monétaire international pour assister certains pays en crise, a été démis de ses fonctions en 2000, et n’a cessé par la suite de critiquer la direction prise par l’institution.
Début septembre, Paul Romer succédera à l’indien Kaushik Basu à la tête d’un groupe d’étude de 200 chercheurs et spécialistes en développement, chargé de soutenir les opérations de la Banque mondiale et de ses pays clients via la mise en œuvre de différents outils d’analyse et de conseil. Le choix de Paul Romer, qui devra composer avec le président et la direction de la Banque mondiale pour mener sa politique économique, a quelque peu surpris et dérouté les observateurs car l’ancien professeur d’université est un économiste de terrain, considéré comme étant moins conservateur que son prédécesseur.
Paul Romer : des idées novatrices mais loin d’être radicales
Paul Romer, qui enseigne l’économie à la Stern School of Business de l’université de New-York, est considéré comme un expert en croissance économique, notamment pour ses recherches sur la croissance endogène et plus récemment pour ses travaux sur l’urbanisation, comprise comme le moteur indispensable du développement économique. Economiste de terrain qui considère que nombre de ses collègues se cachent derrière le « mathiness », ce recours systématique aux équations afin de « dissimuler des arguments idéologiques sous le vernis de la rigueur et de la complexité de l’analyse ».
Ce qui intéresse Paul Romer, c’est la manière d’appliquer une connaissance théorique au réel : « Ce qui me semble le plus enthousiasmant en économie, c’est de dépasser le savoir potentiellement utile pour accéder au savoir réellement utile, à une échelle qui permette de toucher des millions, voire des milliards d’individus ». Son grand cheval de bataille, c’est le développement économique et social des « charter cities », ces « villes-projet » à l’instar de Singapour ou de Hong Kong.
Le monde actuel est-il vraiment un village ?
Économiste résolument moderne et entrepreneur prospère, Paul Romer intègre la Banque mondiale dans une période charnière où le domaine du développement connaît de profondes transformations encouragées par les améliorations technologiques rapides, la mondialisation, et les problèmes démographiques.
Sous la conduite de son nouvel économiste en chef, la Banque mondiale va-t-elle réorienter sa stratégie d’aide aux pays en voie de développement et passer outre l’austérité des programmes d’ajustements structurels actuels vers le développement de « villes-projet » chères à son nouveau représentant ? Certains redoutent les méthodes pragmatiques, parfois controversées, de Paul Romer. Critiques rapidement battues en brèche par son futur employeur qui le voit comme l’homme providentiel : « nous sommes heureux de compter parmi nous un économiste aussi accompli » s’est félicité Jim Yong Kim et il rajoute : « nous nous réjouissons de son profond attachement à lutter contre les inégalités et la recherche de solutions novatrices que nous pourrons convertir à grande échelle ».
Une expérience concrète avortée suite au coup d’état au Honduras
Esprit novateur et réformiste convaincu, Paul Romer n’est pas un économiste très expérimenté et ses détracteurs ont dans le viseur son manque de résultats. Il était censé mettre à l’œuvre ses idées au Honduras mais suite au coup d’État de 2009, le projet, qu’il jugeait trop peu transparent, a continué sans lui avec de nouveaux partenaires dont le fils de Ronald Reagan et la présidente de l’Institut Hayek. Paul Romer prendra-t-il oui ou non la même direction que ce courant néo-libéral très en vogue ? Réponse début septembre.